lundi 14 décembre 2015

Ikea remet en cause le dogme de la très grande surface de vente

Ikea a enfin pris le virage du e-commerce. Longtemps arc-bouté sur son modèle à succès de très grands magasins, qu'il continue d'ouvrir, le géant suédois a mis du temps à investir la Toile. Mais les ventes de ses sites marchands décollent enfin et l'enseigne inaugure aussi des points de livraison.


Le PDG d'Ikea, Peter Agnefjäll, reconnaît, dans son introduction au rapport annuel 2015, l'inflexion stratégique du groupe suédois. « Le gros de notre croissance vient de nos magasins existants, mais aussi de l'effort que nous avons fait pour toucher plus de gens avec de nouveaux points de vente, de nouveaux services et notre expansion en ligne. »
Des finances florissantes

Le PDG en place depuis 2013, qui fut longtemps l'assistant personnel du fondateur Ingvar Kamprad, assume l'adaptation du concept commercial du géant mondial de l'ameublement à l'évolution du commerce, et notamment au développement du e-commerce. Même si ce mouvement reste marginal, et si l'enseigne suédoise construit toujours l'essentiel de sa croissance sur« un modèle unique de magasin » - une très grande surface en périphérie d'une agglomération et des meubles à emporter -, le dogme du « no parking no business » n'est plus le seul credo de l'enseigne suédoise.

La croissance de 11,2 % du chiffre d'affaires, enregistrée au cours de l'année fiscale 2015 (32,7 milliards d'euros au total), vient, pour moitié, de la hausse des ventes des magasins existants (5 %) et, pour moitié, de l'ouverture de 13 nouveaux points de vente, dont 3 en Chine et un premier en Corée du Sud. La France a connu, elle, deux ouvertures, à Mulhouse et Bayonne, mais l'activité n'a progressé que de 1 % au global et de 0,7% en comparable, la faute à la crise de la construction de logements. Les ventes réalisées sur Internet ont, elles, dépassé la barre du milliard d'euros, bien que des sites marchands n'aient été ouverts que dans 13 pays sur les 28 où l'enseigne est implantée. Cela ne représente encore que 3,2 % du chiffre d'affaires, mais il y a quelques années encore, ce n'était rien.
Proche des centres-villes

Signe des temps, Ikea a également ouvert au cours de son dernier exercice des magasins plus proches des centres-villes, comme à Hambourg (18.000 mètres carrés de surface de vente grâce à 7 niveaux dont 4 de parkings !), mais surtout huit « Pickup Stores » en Espagne, en Norvège, au Canada, au Japon, au Royaume-Uni et en Finlande. Ces magasins, conçus comme des points de livraison, n'exposent sur environ 1.000 mètres carrés qu'une partie de l'offre, le reste de l'assortiment pouvant être commandé en ligne. Pour assumer ce virage de l'e-commerce, comme pour poursuivre l'ouverture des magasins classiques, dans le but d'atteindre la barre des 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'horizon 2020, objectif fixé par Peter Agnefjäll, Ikea peut compter sur des finances toujours plus florissantes. L'exercice 2015 s'est achevé sur un bénéfice net de 3,2 milliards d'euros, en hausse de 5,5 %, avec une marge brute stable de… 42,9 %. Quant aux fonds propres du groupe, ils atteignent désormais les 50 milliards d'euros ! 

Les chiffres clefs :
330 magasins
Le nombre de magasins Ikea dans les 28 pays d'implantation de l'enseigne.
32,7 milliards d'euros
Le chiffre d'affaires de l'exercice 2015 clos le 31 août.
50 milliards d'euros
L'objectif de chiffre d'affaires pour 2020.

La relance de Fly, le petit outsider du marché, prendra cinq ans

Le repreneur, Nicolas Finck, veut retrouver un réseau de plus de 100 unités. Avec un positionnement design moyen de gamme.

Il faudra cinq ans à Nicolas Finck pour redonner à Fly une envergure nationale. L'ancien directeur financier du Mobilier européen, qui a repris l'enseigne à la barre du tribunal il y a douze mois, vise à cette échéance un parc de magasins d'environ 120 unités. Soit autant qu'il y a quelques années, à l'apogée du développement de la marque créée en 1978 pour concurrencer Ikea sur le marché du « jeune habitat ».
Magasin pilote

Fly compte aujourd'hui 64 points de vente : 39 en propre et 25 en franchise. Nicolas Finck compte conserver un tel équilibre entre les magasins détenus en propre et ceux exploités sous licence par des indépendants. Il compte investir 5 millions d'euros par an pendant cinq ans pour soutenir cette expansion. Elle débutera par l'ouverture dans une grande ville d'un magasin pilote illustrant la nouvelle politique commerciale. Entre-temps, celui qui a repris 75 % du capital, le solde étant détenu par des associés privés (« Le tribunal n'a reçu aucune offre "industrielle" venant du secteur et aucune offre financière émise par un fonds », explique-t-il), aura ouvert une plate-forme logistique dans le Rhône et développé sa stratégie multicanale. Il devra aussi stabiliser le chiffre d'affaires à parc constant (aujourd'hui environ 200 millions d'euros) et résorber les pertes. Pour financer ce plan, Fly utilisera l'un des rares atouts que ne lui a pas retiré la liquidation : un porte-feuille immobilier fait de murs de magasins divers (dont des Castorama) qui avait été placé dans le giron de la société par les dirigeants du groupe. Une poire pour la soif, valorisée à 80 millions d'euros.

Pour le reste, Nicolas Finck a choisi un positionnement que l'on qualifierait de moyen de gamme si la notion n'était pas devenue péjorative avec la polarisation des marchés de consommation entre, d'un côté, les prix bas, et, de l'autre, le haut de gamme. « Nous voulons traiter le meuble comme la mode, en misant sur un design en phase avec les tendances mais qui tienne aussi compte de l'usage des produits » : derrière ces propos que ses concurrents auraient pu tenir, le dirigeant cache la volonté de se distinguer du coeur du marché dominé par les Ikea, Conforama, but et autres. Avec des produits plus originaux. Un positionnement plus haut de gamme que le positionnement historique de l'enseigne. Reste néanmoins à voir si ce nouveau Fly parviendra à trouver sa place entre des leaders qui travaillent eux-mêmes beaucoup leurs collections et les enseignes plus pointues et plus chères, comme Habitat ou Roche-Bobois. Le tout dans un marché encore pénalisé par la crise de la construction de logement. 
Repris à la barre du tribunal Juin 2014 Le groupe Mobilier européen, qui réunit les enseignes d'ameublement Fly, Atlas et Crozatier, est placé en procédure de sauvegarde.

Septembre 2014:  Mobilier européen est placé en redressement judiciaire.
Novembre 2014  : Démantèlement du groupe prononcé par la justice.
Décembre 2014 : Nicolas Finck reprend 39 magasins Fly et les franchisés.

Ls Echos, 11/12/2015