jeudi 8 mai 2014

Alstom : l’avenir du transport au cœur des négociations

La SNCF, RFF et la RATP soulignent « la nécessité de la taille critique » du futur Alstom.


La SNCF, la RATP et RFF s’invitent dans le dossier Alstom. « Sans se prononcer sur la pertinence de telle ou telle solution concernant l’avenir de cette entreprise », les trois opérateurs publics ont estimé, dans un communiqué publié mardi, qu’« une approche européenne mérite toute l’attention des pouvoirs publics et du groupe Alstom ».

Une critique implicite à l’égard d’Alstom, qui défend, à travers l’offre de General Electric, la vision d’une branche transport qui pourrait, recapitalisée d’une partie des recettes de la vente des activités énergie, vivre seule. Les trois acteurs soulignent, eux, « la nécessité de la taille critique dans un contexte d’intensification de la concurrence et d’émergence de nouveaux acteurs ». Siemens, qui prépare son offre, propose de son côté de céder l’essentiel de son matériel roulant à Alstom, en échange de 19 % de la branche transport et de l’activité signalisation du groupe français.

La position des trois groupes de transport aide au passage le gouvernement, qui, visiblement soucieux de l’avenir de la branche transport, a demandé à GE d’améliorer encore son offre . « Nous sommes disposés à poursuivre le dialogue », a réagi dans la foulée le groupe américain, qui avait proposé la semaine dernière d’étudier la création d’une coentreprise dans la signalisation. « Le processus ne fait que commencer, donc il y aura d’autres possibilités pour nous de modifier, d’améliorer ce que nous faisons », avait déjà assuré son PDG sur France 2 la semaine dernière.

Officiellement, la discussion entre GE et l’Etat n’intéresse pas directement Alstom : l’offre de GE est sur la table, « ferme et financée », le reste relevant d’une négociation entre le futur propriétaire et l’Etat, rappelle un proche des discussions. Mais le comité ad hoc, composé d’administrateurs indépendants d’Alstom et chargé d’instruire les offres, écoutera toutes les parties prenantes. Selon nos informations, quatre administrateurs siègent au sein de ce comité : Jean-Martin Folz, qui le préside, l’ancien patron de Nexans Gérard Hauser, et les britanniques James W. Leng (AEA) et Alan Thomson (Hays).

Après avoir demandé à GE d’examiner « les voies et moyens d’un partenariat équilibré » et non d’une acquisition « pure et simple », le gouvernement devait se réunir, hier, pour débattre des pistes possibles. Invité de RMC mardi, François Hollande a au moins exclu l’hypothèse d’une participation de l’Etat au capital d’Alstom, « Il y a une autre offre. On va essayer de la faire apparaître si elle est meilleure », a-t-il en revanche indiqué, sans toutefois donner de blanc-seing à Siemens.

A lire également :


Les Echos, 06/05/14

Vente d’Alstom : un sujet explosif pour l’Etat qui veut sauver l’ancrage français

François Hollande a réuni dimanche soir à l'Elysée Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Segolène Royal. Le conseil d'administration d'Alstom "poursuit sa réflexion" et se donne jusqu'à mercredi matin pour informer le marché. D'ici là, le titre reste suspendu.



« On achète du temps. » C’est ainsi qu’à Bercy on justifiait hier le report du rendez-vous envisagé ce dimanche, entre Arnaud Montebourg et le PDG de General Electric (GE), Jeff Immelt, candidat au rachat de la branche énergie d’Alstom – soit plus de 70 % de son chiffre d’affaires. Mis devant le fait accompli par la révélation d’un accord imminent entre l’industriel américain et Bouy­gues, l’actionnaire principal (à 29,4 %) du fleuron français, l’exécutif français a tenté tout le week-end d’empêcher que le conseil d’administration d’Alstom n’entérine la vente dès dimanche soir. François Hollande a même réuni à l'Elysée le Premier ministre, Manuel Valls, ainsi que les ministres Arnaud Montebourg et Ségolène Royal "au regard des objectifs d'emplois, de localisation des activités et d'indépendance énergétique" soulevés par le dossier, indique un communiqué.

Tentative réussie. Le conseil d'Alstom, qui s'est tenu dimanche soir, n'a pas été conclusif. Dans un communiqué, le groupe indique simplement qu'il "poursuit et approfondit sa réflexion stratégique" et qu'il informera le marché d'ici mercredi 30 avril matin". Durant ce laps de temps, la cotation d'Alstom restera suspendue. "48 heures c'est à la fois beaucoup et insuffisant, reconnaît-on dans l'entourage d'Arnaud Montebourg. Cela devrait engendrer une saine émulation afin de nous permettre d'obtenir la meilleure offre pour Alstom".

Certains s’attendaient plutôt à une préférence donnée, sous une forme encore à déterminer, à l’offre ferme de GE qu’à la déclaration d’intérêt surprise de Siemens, tombée ce week-end . Le groupe allemand propose de reprendre l’activité Energie d’Alstom et lui transmettrait ses trains rapides ICE et locomotives. En butte à l’hostilité du patron d’Alstom, Patrick Kron, Siemens a veillé à travailler son offre avec Bercy et l’Elysée. Sachant pertinemment que la perspective de créer deux champions européens dans l’énergie et le transport pouvait sonner doux aux oreilles du chef de l’Etat qui avait appelé de ses vœux la constitution d’un « Airbus de l’énergie ».

Martin Bouygues était dimanche après-midi dans le bureau d’Arnaud Montebourg

Pour autant, Bercy ne veut pas avoir l’air de trancher dès maintenant pour l’un ou l’autre des acquéreurs. Chez Arnaud Montebourg, on se refuse à critiquer General Electric. « GE et Siemens sont deux investisseurs importants en France et des acteurs de premier plan au sein de notre tissu industriel », a indiqué le ministre de l’Economie hier. « GE, ce n’est pas Mittal, ils font des investissements tous les ans en France », dit-on dans son entourage, même si Jeff Immelt, qui espérait rencontrer François Hollande dimanche, devrait finalement être reçu par Arnaud Montebourg lundi, voire par le chef de l'Etat ultérieurement. En revanche, Martin Bouygues, lui, était dimanche après-midi dans le bureau d’Arnaud Montebourg.

Voir l’un des fleurons de l’industrie française passer sous pavillon américain ne peut que déplaire au ministre de l’Economie, héraut du « patriotisme économique ». Voir Alstom, sauvé de la faillite en 2004 par Nicolas Sarkozy, être vendu par appartements sous la présidence Hollande serait un symbole lourd de conséquences politiques . On ne veut pas pour autant, au gouvernement, avoir l’air d’écarter d’un revers de main l’offre américaine. D’autant que, souligne-t-on, « Siemens n’a pas réponse à tout ». Au sein même de l’exécutif, d’ailleurs, certains doutent de la faisabilité d’un accord avec le géant allemand. « Les solutions européennes ont déjà été recherchées et il y a eu beaucoup de contacts avec Siemens depuis deux ans, elles sont très destructrices d’emplois. ; les solutions miracle n’existent pas », estime une source gouvernementale qui trouve de meilleures complémentarités avec GE.

Vers un démantèlement dans les deux cas

Dans les deux cas, c’est bien à un démantèlement d’Alstom que les propositions vont conduire, L’examen des deux propositions, si GE et Alstom en laissent le temps au gouvernement, vont se focaliser sur les garanties données. Bercy sera « particulièrement ferme sur ses exigences de maintien et de créations d’emplois, d’investissement et de R&D en France, ainsi que le maintien des centres de décision en France », a prévenu Arnaud Montebourg.

Chez les industriels concernés, on veillait à ne pas prendre à la légère l’intervention de l’exécutif. Bouygues vit de commandes publiques et, à ce titre, n’ignore pas que l’Etat n’est pas dépourvu de moyens de pression. Sur l’emploi (9.000 salariés dans l’énergie pour Alstom en France), la négociation sera politique. Dans son plan de 1.300 suppressions de postes de l’automne dernier, Alstom a préservé la France en supprimant des postes en Allemagne et en Suisse, mais le rapport commandé par les représentants du personnel a pointé des surcapacités . Sur la localisation des centres de décision, une source proche des discussions évoque la possibilité de rapatrier de Suisse vers la France le siège mondial de l’activité Thermal Power d’Alstom, le cœur de métier du groupe. Un héritage des activités rachetées par Alstom à ABB.
Vigilance sur le nucléaire

Dans un courrier adressé au PDG d’Alstom auquel « Les Echos » ont eu accès , le PDG de Siemens, Joe Kaeser, qui demande d’entrer en discussion immédiatement, estime que la branche énergie vaut 10 à 11 milliards d’euros net. L’Allemagne ayant annoncé sa sortie du nucléaire, Siemens propose que le siège de cette activité reste en France et réfléchit au meilleur mode de contrôle possible (« carve out »). Il garantit zéro licenciement pendant au moins trois ans et pas de vente d’actifs.

Le gouvernement a aussi signalé son « extrême vigilance » sur « le maintien de l’excellence et de l’indépendance de la filière nucléaire française », un sujet pointé par le sénateur de Belfort, Jean-Pierre Chevènement . Alstom est de fait un fournisseur important d’EDF et Areva – le groupe doit réaliser des turbines pour les deux futurs EPR britanniques. Mais EDF, engagé dans une politique de diversification, est également en contrat avec GE pour diverses centrales.

Les Echos, 27/04/14

Résultats en baisse pour Alstom qui ne distribuera pas de dividende

Si le chiffre d’affaires du géant industriel s’est maintenu à un niveau stable, le bénéfice net a lui diminué de 28% sur l’exercice écoulé. Les nouvelles commandes se sont aussi inscrites en baisse de 10%.

Le chiffre d’affaires d’Alstom est resté stable à 20,7 milliards d’euros sur le dernier exercice

Alors que les négociations se poursuivent dans le dossier Alstom et que ce mardi,la SNCF, la RATP et RFF se sont invités dans le débat , le géant industriel a publié mercredi des résultats en baisse pour son dernier exercice et a prévenu qu’il renonçait à un dividende.

Le titre Alstom perdait 0,5% à 0,7 % dans les premiers échanges en Bourse de Paris, après avoir lâché plus de 2 % la veille.

Le fabricant de turbines électriques et de TGV a dégagé un bénéfice net en baisse de 28% sur l’exercice décalé achevé fin mars, à 556 millions d’euros, affecté par des dépréciations d’actifs et l’augmentation de charges de restructuration et financières. Il n’a pas réaffirmé les prévisions pour le prochain exercice qu’il avait exposées en janvier.

« Les conditions macroéconomiques continuent à peser sur la performance commerciale d’Alstom avec un environnement toujours peu porteur dans les pays matures. Dans ce contexte économique, de nombreux grands projets d’infrastructure ont été décalés, notamment chez Thermal Power », son activité principale dans les centrales thermiques, a expliqué le groupe dans un communiqué. Cette division, qui fournit des centrales électriques clefs en main et de gros équipements comme des turbines et alternateurs, souffre d’un marché européen de l’électricité en surcapacités.

Chiffre d’affaires stable

Le chiffre d’affaires est resté stable à 20,7 milliards d’euros, pour un résultat opérationnel annuel en recul de 3% à 1,4 milliard, ce qui donne une marge opérationnelle en léger retrait à 7% (contre 7,2% sur l’exercice précédent), comme l’avait anticipé le groupe. Les nouvelles commandes se sont également inscrites en baisse, de 10% à 21,5 milliards d’euros. Le carnet de commande total s’établissait ainsi à 51,5 milliards d’euros à la fin de l’exercice, représentant deux ans et demi d’activité.

Indicateur très regardé, par le marché, la trésorerie libre est repassée en terrain positif au second semestre. Sur l’ensemble de l’exercice écoulé, elle est négative de 171 millions d’euros. En novembre, Alstom avait annoncé la suppression de 1.300 postes dans le cadre d’une accélération de ses économies, essentiellement dans son activité de centrales électriques.
General Electric ou Siemens

Pour accroître sa marge de manoeuvre financière, le groupe avait aussi lancé un nouveau plan de cession d’actifs de 1 à 2 milliards d’euros, avec notamment la vente envisagée d’une participation minoritaire d’Alstom Transport, sa branche de construction ferroviaire, qui fabrique notamment les TGV.

Retournement de situation fin avril, avec le dépôt d’une offre de rachat du pôle énergie d’Alstom par l’américain General Electric , avec qui l’industriel français avait mené des discussions secrètes. L’allemand Siemens s’est par la suite invité dans le processus avec le soutien du gouvernement français. Le conseil d’administration d’Alstom s’est donné jusqu’à la fin ma i pour étudier d’éventuelles offres de rachat pour sa branche énergie, avant d’entrer en négociations exclusives avec l’un des deux candidats.

Si General Electric semble mieux parti , Siemens a contre-attaqué en proposant également de racheter les activités énergie du groupe, mais en ajoutant dans la transaction sa propre activité Transports. Si la cession de l’énergie devait aboutir, Alstom se concentrerait sur son pôle transport et utiliserait le produit de la cession pour réduire son endettement.

Alstom intéressé par la signalisation ferroviaire de GE

Selon patrice Kron, le PDG du groupe français, Alstom va discuter avec General Electric de possibles alliances dans le ferroviaire mais s’intéresse en priorité à l’activité de signalisation du groupe américain. 
« Nous allons évidemment discuter avec General Electric de ce qu’on peut faire ensemble dans ce domaine-là. Et je dois dire qu’il y a dans le portefeuille de General Electric une activité de signalisation qui mérite d’être examinée », a-t-il affirmé avant d’ajouter : « Après, il y a une autre grosse activité de GE dans le domaine des locomotive fret, qui est très américaine et de niche, dans laquelle nous ne sommes pas présents et que je connais donc assez mal. Donc je ne vois pas vraiment le type de synergies qu’elle serait de nature à générer pour Alstom Transport ».

Les Echos, 07/05/14

dimanche 4 mai 2014

Premiers choix refusés, que faire ?

Si l’on n’obtient pas ce qu’on veut sur APB, il existe au moins trois solutions de repli. La première consiste à postuler en procédure complémentaire. Les candidats qui, le 23 juin, n’obtiendront pas ce qu’ils souhaitent peuvent voir la situation se débloquer lors des deux phases d’admission suivantes, les 4 et 14 juillet. « Avec les élèves qui démissionnent de formations dans lesquelles ils sont acceptés et les résultats du bac qui arrivent entre les deuxième et troisième phases de réponses, un candidat en attente peut être accepté lors des phases suivantes, relève Murielle Astier, conseillère d’orientation psychologue au Service académique d’information et d’orientation (SAIO) de Grenoble. Toutefois, il n’y a pas de très grands mouvements entre le début et la fin de la procédure APB : entre 10 % et 15 % des élèves obtiennent un vœu mieux classé. »

Dès la deuxième phase de réponses, l’élève dont les vœux sont en attente ou refusés peut entamer la procédure complémentaire, qui court du 5 juillet au 15 septembre. Cette période permet de postuler pour des places restées vacantes dans des filières sélectives et non sélectives. Les vœux formulés lors de la procédure régulière restent valables et prioritaires.

« Les établissements qui n’ont pas fait le plein s’inscrivent en procédure complémentaire, explique Françoise Paliod, conseillère d’orientation psychologue au SAIO de Paris. Toutes les formations ayant des places disponibles n’apparaissent pas dès le 5 juillet, il faut donc se connecter tous les jours pour suivre les évolutions. » Les plus demandées n’apparaissent généralement plus dans cette phase. Si la majorité des licences ne sont pas sélectives, certaines ont une capacité d’accueil limitée. Lorsqu’elles n’ont pas fait le plein du premier coup , « certaines rouvrent ces places en procédure complémentaire pendant quelques jours. Il faut donc valider ce choix rapidement », conseille Mme Astier. Mais la procédure complémentaire n’est pas une seconde chance d’examen de dossier pour une formation pour laquelle un élève a déjà été refusé.

La deuxième solution est de donner une nouvelle forme à son projet professionnel. Par sécurité, les élèves placent souvent une licence non sélective en dernier vœu, au cas où tous leurs premiers choix seraient refusés. « Le choix par défaut n’est jamais conseillé, mais il est fréquent, constate Hélène Bernard, conseillère d’orientation-psychologue au centre d’information et d’orientation (CIO) de Lille.Certains découvrent une filière qui leur correspond, d’autres non. Il existe des procédures de réorientation en fin de premier semestre dans les universités. Elles permettent d’opter pour une autre filière et de ne pas perdre une année. »

Pour éviter un choix par dépit, mieux vaut envisager toutes les possibilités et les anticiper. « Il faut élargir ses vœux, reprend MmePaliod. Certains métiers exigent un parcours type mais d’autres sont accessibles de différentes manières. Il est possible par exemple d’intégrer une école d’ingénieurs après une prépa postbac ou, par les admissions parallèles, après un BTS, un DUT ou l’université. » « Les CIO, ajoute Mme Astier, peuvent renseigner sur la sélectivité des filières. La diversification géographique des vœux est également pertinente. »

Troisième solution, enfin, s’inscrire dans un établissement qui ne figure pas dans APB. Il en existe beaucoup. Quoi qu’il en soit, les candidats qui, en septembre, débutent dans une filière qui était leur dernier choix, ou choisissent une autre voie, peuvent mettre leur année à profit, rassurent les professionnels de l’orientation. « Il est important de rester dans une démarche de construction de son CV et d’être capable d’expliquer ce qu’on a fait, indique Mme Bernard. Avec une année au pair, on améliore son niveau de langue, on cultive son goût pour l’international. Suivre une première année de licence développe l’autonomie et les méthodes de travail. Autant d’arguments pour postuler une seconde fois dans les filières visées, car les notes ne sont pas les seules à compter. Il faudra aussi se réinscrire sur APB. »

Durant cette année, l’essentiel est de ne pas rester passif. « Il faut profiter de tous les enseignements méthodologiques si on est en licence, travailler sur son orientation, se questionner sur les raisons d’un premier échec, explique Clarisse Petrynka-Stein, proviseure en Ile-de-France. Et déculpabiliser : depuis deux ans, les élèves qui se réorientent après une première année de licence et les élèves de terminale sont prioritaires sur APB. »

Le Monde, le 11/02/14

La peur du chômage dicte les choix d'orientation des futurs bacheliers

Plus de 762 000 candidats au baccalauréat 2014 ont formulé au moins un voeu sur la plate-forme en ligne Admission post-bac (APB), qui permet aux élèves de terminale d'enregistrer leurs souhaits d'études supérieures. Ces chiffres – provisoires – révélés vendredi 2 mai par Geneviève Fioraso, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche, sont en hausse de 7,4 % par rapport à 2013 et de 16,7 % par rapport à 2010.


Ces augmentations s'expliquent par la hausse du nombre de candidats – notamment les 35 000 étudiants en cours de réorientation –, et par l'ouverture de la plate-forme à de nouvelles formations (10 400 cursus sont proposés). Parallèlement, des écoles privées, d'arts ou de commerce, des instituts franciliens de soins infirmiers, l'Université Paris Dauphine ou des Sciences Po à Paris et en régions font de la résistance et préfèrent les inscriptions en direct.

Ce site Internet constitue un formidable observatoire de l'appétence des lycéens pour telle ou telle filière. Les licences universitaires restent les plus demandées, constituant le premier voeu pour 33 % des bacheliers. Mais, à l'arrivée, ils sont 57 % à intégrer effectivement l'université. Ce hiatus s'explique par l'échec de nombreux candidats à des filières plus sélectives, obligés de se rabattre sur leur deuxième ou troisième choix, comme les cursus universitaires ouverts à tous.

EVITER LA « FAC PAR DÉFAUT »

Ainsi, 51 % des élèves de terminale de la voie technologique voudraient préparer un brevet de technicien supérieur (BTS) mais seuls 41 % y parviennent (chiffres 2012), et 19 % veulent entrer en institut universitaire de technologie (IUT) mais à peine 10 % y sont admis. Les bacheliers de la voie professionnelle sont encore moins bien lotis, puisque 78 % envisagent un BTS mais seuls 20 % y accèdent. Pour que ces jeunes ne se retrouvent pas à la faculté par défaut, ou pire en échec, la loi du 22 juillet 2013 a prévu de réserver des places en IUT aux bacheliers technologiques, et d'autres en BTS aux bacheliers professionnels.

L'analyse des données 2014 d'APB confirme l'angoisse du chômage et la préférence des jeunes pour des formations qui leur ouvrent, croient-ils, des débouchés : être assuré d'un emploi à la sortie est en effet le premier critère de choix pour 71 % des jeunes, selon le sondage commandé par le secrétariat d'Etat à l'enseignement supérieur (réalisé par Opinion Way, du 28 mars au 2 avril 2014, auprès de 504 lycéens de terminale). A cette aune, les universités, dont seulement 45 % des lycéens interrogés pensent qu'elles préparent au marché du travail, sont pénalisées.



« Pour trouver un emploi, mieux vaut obtenir un BTS qu'un master de lettres ou d'anthropologie, constate Oliver Galland, sociologue au CNRS. C'est regrettable et il s'agit d'une spécificité française, car ces disciplines peuvent apporter de vraies compétences professionnelles, de rédaction, d'analyse, d'ailleurs valorisées dans d'autres pays. Les cursus de lettres et sciences humaines de l'université ont été conçus pour les emplois de la fonction publique, notamment l'enseignement, mais ils manquent aujourd'hui de crédibilité et de qualité, en particulier pédagogique. »

Cette tendance se traduit dans l'évolution des effectifs des universités : les filières lettres, sciences humaines et sociales sont délaissées et ont, entre 2004 et 2012, perdu 10 % d'étudiants en première année ; les cursus de sciences ont connu une baisse d'effectifs de 9 %. En revanche, sur la même période, les écoles de commerce, quasiment toutes privées, ont vu leurs effectifs globaux augmenter de 57 %, les formations paramédicales de 9 %, et les BTS, formations courtes et professionnalisantes de 10 %. Les seuls cursus universitaires encore attractifs sont le droit (+ 22,7 %) et les études de santé (+ 28,6 %) : sans ces quasi-monopoles, les universités perdraient du monde.

A rebours de l'idée utilitariste des études, les écoles d'arts publiques ou privées se multiplient et font le plein, avec 16 % d'étudiants en plus entre 2004 et 2012. La démocratisation de l'accès à la culture et l'ouverture de nouveaux métiers expliquent ce succès.

Mme Fioraso a aussi annoncé, vendredi, une version 2015 d'APB améliorée, avec l'indication, pour chaque formation, des débouchés possibles, du taux de poursuite d'études ou d'insertion professionnelle. Pour s'y retrouver dans le maquis de l'offre, le nombre d'intitulés de licences a aussi été ramené, pour la rentrée 2014, de 3 000 à 100, classés par grands domaines.

Le Monde, le 02.05.2014

Après le bac, un lycéen sur deux vise l’université

Près de la moitié (47%) des jeunes ayant formulé des vœux pour leurs études supérieures sur le portail Admission post-bac (APB) ont demandé l’université en premier choix cette année, selon un bilan diffusé vendredi.


Ce chiffre cache toutefois une réalité plus nuancée, avec des licences qui attirent moins que des formations courtes, censées mieux insérer professionnellement.

L’université, parfois subie

Les universités accueillent au total 63% des étudiants. Si seulement 47% des jeunes les placent en premier vœu, c’est donc que beaucoup y atterrissent par défaut. Généralement, ils ont d’abord demandé des filières sélectives - comme une prépa (7,94% des premiers vœux), une STS (Section de technicien supérieur, 34,63%)…. Et comme ils ont été recalés, ils se sont rabattus sur la fac.

Il faut aussi un distinguo au sein de l’université. Avec 14,41% des premiers vœux (32,67% pour les seules licences), les IUT (Instituts universitaires de technologie) restent très attractifs. Plus encadrés, ils sont même parfois utilisés pour contourner les deux premières années de licence, la grande majorité des diplômés de DUT poursuivant ensuite. Par ailleurs, si à la fac, le droit et la médecine font le plein, les sciences humaines et sociales ainsi que les sciences «dures» voient leurs effectifs s’éroder.

Les filières courtes et les écoles sont plébiscitées

L’édition 2015 d’Admission post-bac devrait intégrer, pour chaque formation, des indicateurs sur les débouchés et sur l’insertion professionnelle. En attendant, les lycéens de terminale - et les étudiants qui se réorientent après un échec et qui utilisent l’Admission post-bac pour la première fois cette année - misent sur les formations courtes, notamment sur les BTS. Inquiets face au risque de chômage, les jeunes se tournent surtout de plus en plus vers des écoles privées, de commerce ou de management, recrutant souvent juste après le bac. Chères mais faisant miroiter une bonne insertion, elles ont vu bondir leurs effectifs ces dernières années.

Par Véronique Soulé

Libération, 2/05/14