jeudi 22 janvier 2015

Le déficit de l'Etat moins élevé que prévu


Le ministère de l'Economie, dit Bercy, à Paris. (Photo Jacques Demarthon. AFP)

Avec 85,6 milliards d'euros de déficit, c'est 3 milliards de moins que ce sur quoi tablait le gouvernement.

Le déficit de l’Etat a été moins important que prévu de près de 3 milliards en 2014, à 85,6 milliards d’euros, en raison de meilleures rentrées fiscales qu’attendu, a annoncé Bercy mercredi. Le ministre des Finances Michel Sapin a précisé à l’AFP que malgré ce bon résultat, il maintenait la prévision de déficit public (Etat, collectivités, protection sociale) à 4,4% du PIB (Produit intérieur brut) pour 2014. «A ce stade, le calcul de la situation budgétaire de l’Etat conforte largement la prévision d’un déficit à 4,4% du Produit intérieur brut en 2014», a-t-il assuré, disant attendre les chiffres des autres administrations publiques. «Nous préférons constater les bonnes nouvelles que les annoncer», a-t-il ajouté.

Ce résultat est de bon augure pour le gouvernement français, qui a jusqu’au printemps pour convaincre la Commission européenne qu’il prend les mesures adéquates pour réduire son déficit public, alors que celui-ci va se creuser au lieu de s’améliorer en 2014 - il était de 4,1% en 2013 -, contrairement à ses engagements. La France a reporté à 2017 l’objectif d’un déficit de ses administrations publiques à 3% comme prévu par les traités européens.

Fin 2014, dans le second budget rectificatif de l’année, Bercy avait revu sa prévision de déficit budgétaire à 88,2 milliards d’euros.

L’exécution finale des dépenses du budget général hors charge de la dette et pensions mais augmentées des prélèvements sur recettes à destination des collectivités locales et de l’Union européenne s’élève à 276,7 milliards d’euros. La charge de la dette est en diminution de 1,7 milliard d’euros par rapport à 2013, grâce à la baisse des taux d’intérêt auxquels l’Etat emprunte, précise Bercy dans un communiqué.

LES RECETTES EN HAUSSE DE 1,8 MILLIARD D'EUROS

«La dépense totale de l’Etat, hors éléments exceptionnels, s’élève à 364,8 milliards d’euros, en baisse de 5,8 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale et de 4 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2013», détaille Bercy. En 2013, les dépenses avaient déjà baissé de 1,5 milliard d’euros par rapport à l’année précédente.

Côté recettes, le chiffre total (recettes fiscales, non fiscales, et solde des comptes spéciaux) s’établit à 288,4 milliards d’euros, en progression de 1,8 milliard d’euros par rapport aux dernières prévisions du gouvernement. Les recettes fiscales (274,3 milliards d’euros) ont notamment été plus importantes que prévu en fin d’année de 2 milliards d’euros. «Cette amélioration s’explique principalement par de meilleures recettes d’impôt sur le revenu (+0,9 milliard par rapport à la loi de finances rectificative de décembre 2014) et d’impôt sur les sociétés (+0,8 milliard par rapport à la loi de finances rectificative de décembre 2014), l’évolution des bénéfices et revenus sur lesquels sont assis ces impôts étant plus dynamique qu’escompté», précise Bercy.

Les recettes de TVA ont également été supérieures de 700 millions aux prévisions. En revanche, les autres recettes fiscales ont été inférieures de 400 millions d’euros aux prévisions et les recettes non fiscales (13,9 milliards) de 200 millions.

Ces 1% de riches qui vont capter autant de richesses que les 99% restant de la planète

DÉCRYPTAGE
Dans un rapport à la veille du sommet de Davos, Oxfam fustige une «insatiable» quête de richesse sur fond d'explosion des inégalités. 
Le quartier financier londonien de Canary Wharf, en novembre 2014. (Photo Suzanne Plunkett. Reuters)

En 2016, les 1% les plus riches possèderont en patrimoine cumulé plus que les 99% restant de la population mondiale. Une «insatiable» quête de richesse, sur fond d’explosion des inégalités, qu’un rapport d’Oxfam entend dénoncer à la veille du forum économique mondial de Davos, qui se tient du 21 au 25 janvier en Suisse. Explications.

L’accélération de la captation

Pour parvenir à ce chiffre, Oxfam s’est notamment basé sur les données d'une étude du Crédit Suisse. Qui rappelle que la part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus riches en 2009 est passée de 44% en 2009 à 48% en 2014. Et que s’il reste 52% aux 99% restants, la quasi-totalité de ces 52% sont aux mains des 20% les plus riches. Au final, 80% de la population mondiale doit se contenter de seulement 5,5% des richesses. «Si cette tendance de concentration des richesses pour les plus riches se poursuit, ces 1% les plus riches détiendront plus de richesses que les 99% restants d’ici seulement deux ans», note Oxfam. Car l’accaparement et la concentration des richesses s’accèlère. Et Oxfam tente d’affiner ce chiffre en s'appuyant sur l’évolution du nombre de milliardaires, basé, cette fois, sur les chiffres d'un classement actualisé de Forbes sur ces personnes qui possèdent, en revenus, autant que la moitié de la population mondiale, soit 3,5 milliards de personnes. Ainsi, si les 85 personnes les plus riches de la planète trustaient autant que 50% des plus pauvres de la population mondiale en 2013, elles sont aujourd’hui 80 à posséder autant que 3,5 milliards de personnes en 2014. «Une spectaculaire accélération de la concentration de la richesse», rappelle l’ONG, car il fallait 388 milliardaires en 2010. «En termes nominaux, le patrimoine des 80 personnes les plus riches du monde a doublé entre 2009 et 2014.»

Évolution de la répartition des richesses mondiales (source : Oxfam)

Le poids de secteurs clés et du… lobbying

La finance et la pharmacie se portent bien. Le patrimoine des milliardaires financiers a augmenté de 11% en douze mois, de mars 2013 à mars 2014 ; celui des pharmaciens a, lui, bondi de 47%. «Les multinationales les plus prospères de ces secteurs dégagent d’énormes bénéfices, écrit Oxfam. Elles gèrent d’importantes ressources qu’elles utilisent pour rétribuer leurs propriétaires et leurs investisseurs, gonflant ainsi leur fortune personnelle.» Les multinationales que possèdent les 1% les plus riches sont de plus en plus féroces dans leurs rapports de forces avec les Etats. Ainsi, le lobbying dans les deux plus grosses puissances mondiales (Europe et Etats-Unis) a à lui seul dépassé le milliard de dollars, réparti à égalité entre les deux entités. Objectif, selon l'ONG : «Etablir un environnement réglementaire qui protège et renforce leurs intérêts». Un interventionnisme de plus en plus virulent que dénoncent avec force des réseaux citoyens, tels que Corporate europe observatory, qui organise même des lobbies tours à Bruxelles pour tenter de démontrer comment, lors de négociations telles que celles en cours sur un accord transatlantique entre les Etats-Unis et l'Europe, les lobbies pèsent d'un poids capital.«La force de lobbying de ces secteurs», redoute Oxfam, peut être «un obstacle majeur à la réforme du système fiscal international et impose des règles de propriété intellectuelle qui empêchent les plus pauvres d’accéder à des médicaments vitaux.»

La crise profite aux plus riches

On l’oublie un peu vite, mais malgré la crise économique en Europe, le patrimoine privé des Européens n’a jamais été aussi prospère. Une autre étude publiée par la banque suisse Julius Baer, publiée en octobre 2014, rappelait que le patrimoine privé des Européens n’a jamais été aussi haut, avec plus de 56 000 milliards de dollars. Pire, les inégalités sont parties pour exploser davantage, le patrimoine des Européens devant atteindre 80 000 milliards d’euros d’ici à 2019, soit une hausse de 40%. A l’arrivée, 10% des ménages détiennent plus de la moitié de la fortune globale du Vieux continent. Aux Etats-Unis, 5% détiennent 85% des richesses. Plusieurs raisons l’expliquent. D’abord, rappelait le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz dans son livre-choc Le prix de l'inégalité, «le taux d’imposition moyen en 2007 des 400 ménages les plus riches n’a été que de 16,6%, loin en dessous des 20,4% que paient les contribuables en général.» Ensuite, parce qu’ils ont accaparé les rouages de la machine politique. «Ce sont eux qui fixent les règles du jeu politique qu’ils mettent au service de leurs intérêts» ; la moitié des élus du Congrès sont ainsi millionnaires, a rappelé l'an passé une analyse du Center for responsive politics. Enfin, parce que la vague de dérégulation leur a servi. «En trente ans, les salaires de 90% des Américains n’ont augmenté que de 15%, tandis que les salaires du 1% supérieur ont bondi de 150% ! Et ceux du 0,1% supérieur de plus de 300%.» De quoi alimenter le vent de fronde qui, de New York à Londres, en passant par Madrid, a poussé les Indignés dans la rue. «Nous sommes les 99%», martelaient-ils, par opposition aux 1% qui accaparent le pouvoir et la richesse.

jeudi 8 janvier 2015

L'hommage des dessinateurs à «Charlie»

De nombreux dessinateurs saluent leurs confrères assassinés ce mercredi.

Charlie Hebdo était un journal de dessinateurs. C’est en dessins que beaucoup, dessinateurs connus ou moins connus, français et étrangers, rendent hommage aux membres de la rédaction assassinés ce mercredi. 

Dessins de Oppenheimer et Loïc Sécheresse.

Stéphane Blanquet, qui publie régulièrement des dessins dans Libé

Zep















mardi 6 janvier 2015

L'or noir glisse sous les 50 dollars

INFOGRAPHIE
Après six mois de baisse, les cours du pétrole ont touché leur plus bas niveau depuis six ans à New York.

Un homme devant des pompes à essence. (Photo AFP)

Le prix du pétrole n’a pas été aussi bas depuis six ans. Six années durant lesquelles on s’inquiétait à chaque nouvelle hausse du prix du baril. En 2012, peu avant l’élection présidentielle, la moitié des Français déclarait même que les propositions des candidats pour faire baisser le prix du carburant pourraient influencer leur vote, selon un sondage. Depuis six mois au contraire, le prix du baril a chuté, faisant un bref passage sous les 50 dollars en fin d’après-midi.

Le cours du pétrole (baril WTI) au 5 janvier 2015

Pourtant, les distributeurs ne jouent toujours pas le jeu de la baisse des prix. Comme Libération l’expliquait en décembre, dans cette période qui leur est très favorable, les distributeurs en profitent pour réaliser des marges très confortables afin de compenser les périodes plus tendues en termes de prix d’achat. Ainsi, paradoxalement, plus les prix du brut baissent, plus les bénéfices augmentent. En clair, les revendeurs se sucrent davantage quand ils le peuvent car ils pensent que cela se verra moins.

Mort du DIF, la formation continue

Chaque actif français peut dès ce lundi activer son compte personnel de formation (CPF) qui succède au droit individuel à la formation (DIF). (Photo Thomas Bregardis. AFP)DÉCRYPTAGE
Un compte personnel (CPF) des heures cumulées suit désormais les actifs tout au long de leur carrière.


Jour J pour le compte personnel de formation (CPF), entré en vigueur jeudi et accessible aux salariés à compter de ce lundi. Une petite révolution dans le monde de la formation professionnelle, qui vient remplacer le droit individuel à la formation (DIF).

Le DIF, c’était quoi ?

Il existait depuis 2004 et permettait aux salariés de se constituer un stock de temps de formation. Chaque année, 20 heures étaient ainsi gagnées, cumulables sur six ans, dans une limite de 120 heures, donc. Ce DIF était attaché au contrat de travail. En clair, le salarié en perdait le bénéfice au bout de deux ans lorsqu’il changeait d’emploi ou se retrouvait au chômage. Par ailleurs, si l’initiative de solliciter une formation appartenait au travailleur, l’employeur pouvait refuser. De fait, ce droit à la formation était très peu utilisé.

Selon une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) de 2012, le taux d’accès était de seulement 6,5% en 2010, pour des formations d’une durée moyenne de 22 heures. D’après le ministère du Travail, le taux de recours avait un peu augmenté depuis, à quasiment 8%, mais restait limité. «Une douche froide»,pour Renaud Descamps, rédacteur du rapport du Cereq, qui contraste avec les moyens investis. Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, 32 milliards d’euros avaient été consacrés à la formation professionnelle en 2011. La réforme du secteur en 2014 évince donc le DIF au profit du compte personnel de formation. Pour le gouvernement, ce dispositif devrait permettre de simplifier le système, critiqué pour son illisibilité et son inefficacité.

Le CPF, ça change quoi ?

Le changement est d’abord quantitatif : tous les salariés du privé âgés de plus de 16 ans pourront cumuler jusqu’à 150 heures de formation sur leur CPF, soit 30 de plus que le DIF. Pour un temps plein, le salarié gagne 24 heures par an pendant cinq ans, puis 12 heures les années suivantes. Des heures complémentaires peuvent être financées par l’employeur ou d’autres organismes liés à la formation.

Deuxième avantage : les heures stockées sur le CPF ne se perdent pas, même si le salarié change d’entreprise ou perd son travail. Les demandeurs d’emploi, qui sont souvent ceux qui ont le plus besoin de se former, ne seront donc plus pénalisés avec ce compte, qui les suivra tout au long de leur vie professionnelle. Ils pourront aussi déclencher une formation sans avoir besoin de l’accord de Pôle Emploi. Et si le salarié est à l’initiative de la formation, comme pour le DIF, il n’a plus à obtenir l’accord de son employeur. Sauf si celle-ci se déroule sur son temps de travail. Seule exception, les formations de base (lire, écrire, compter) pourront se faire sur le temps de travail sans accord de l’employeur. Tous les deux ans, un point sur la formation devra également être fait entre le salarié et son employeur, sous peine de sanctions.

Le CPF va aussi faire du ménage dans la jungle des formations, parfois farfelues. Des listes ont été établies par les partenaires sociaux. Toutes les formations sont au moins certifiantes ou qualifiantes, sauf celles qui concernent les compétences de base ou la validation des acquis.

Ce lundi, il se passe quoi ?

Concrètement, le CPF est accessible sur Internet à partir de ce lundi sur la plateforme «Mon compte formation», et il est possible de créditer dessus les heures acquises précédemment grâce au DIF. Elles ne seront pas comptées dans le plafond des 150 heures, mais elles seront perdues au bout de six ans si elles ne sont pas utilisées. Les heures acquises en 2015 seront créditées seulement dans un an, le 1er janvier 2016. La liste des formations, provisoires pour le moment, est également consultable sur cette plateforme.

Qui paie quoi ?

Ce sont les entreprises qui financent le CPF. Pour les boîtes de plus de dix salariés, cela peut se faire de plusieurs manières. Soit en payant sa contribution unique de 1% pour la formation professionnelle : les fonds sont alors gérés par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) qui dirigent 0,2% de cette contribution vers le CPF. Soit en la gérant directement s’il y a eu un accord d’entreprise : elles doivent alors y consacrer 0,2% de leur masse salariale. Les entreprises de moins de dix salariés ne payent pas de contribution mais bénéficient de la mutualisation des fonds collectés.

Pour certains économistes, ce système serait insuffisant. Selon une étude de l’institut Montaigne, réalisée par Marc Ferracci et Bertrand Martinot, le dispositif devrait coûter près de 6 milliards d’euros. Or, le système de financement actuel permettrait de collecter seulement 1 milliard. Une critique que l’entourage du ministre du Travail, François Rebsamen, relativise : «Pour le DIF, il n’existait même pas de financement spécifique, alors que pour le CPF, il y aura un financement dédié et sécurisé. Evidemment, si le taux de recours est de 10%, il faudra augmenter [le financement]. Mais cela voudra également dire que le dispositif est une réussite.»

Libération, 5/01/15Philippine ROBERT