jeudi 22 janvier 2015

Ces 1% de riches qui vont capter autant de richesses que les 99% restant de la planète

DÉCRYPTAGE
Dans un rapport à la veille du sommet de Davos, Oxfam fustige une «insatiable» quête de richesse sur fond d'explosion des inégalités. 
Le quartier financier londonien de Canary Wharf, en novembre 2014. (Photo Suzanne Plunkett. Reuters)

En 2016, les 1% les plus riches possèderont en patrimoine cumulé plus que les 99% restant de la population mondiale. Une «insatiable» quête de richesse, sur fond d’explosion des inégalités, qu’un rapport d’Oxfam entend dénoncer à la veille du forum économique mondial de Davos, qui se tient du 21 au 25 janvier en Suisse. Explications.

L’accélération de la captation

Pour parvenir à ce chiffre, Oxfam s’est notamment basé sur les données d'une étude du Crédit Suisse. Qui rappelle que la part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus riches en 2009 est passée de 44% en 2009 à 48% en 2014. Et que s’il reste 52% aux 99% restants, la quasi-totalité de ces 52% sont aux mains des 20% les plus riches. Au final, 80% de la population mondiale doit se contenter de seulement 5,5% des richesses. «Si cette tendance de concentration des richesses pour les plus riches se poursuit, ces 1% les plus riches détiendront plus de richesses que les 99% restants d’ici seulement deux ans», note Oxfam. Car l’accaparement et la concentration des richesses s’accèlère. Et Oxfam tente d’affiner ce chiffre en s'appuyant sur l’évolution du nombre de milliardaires, basé, cette fois, sur les chiffres d'un classement actualisé de Forbes sur ces personnes qui possèdent, en revenus, autant que la moitié de la population mondiale, soit 3,5 milliards de personnes. Ainsi, si les 85 personnes les plus riches de la planète trustaient autant que 50% des plus pauvres de la population mondiale en 2013, elles sont aujourd’hui 80 à posséder autant que 3,5 milliards de personnes en 2014. «Une spectaculaire accélération de la concentration de la richesse», rappelle l’ONG, car il fallait 388 milliardaires en 2010. «En termes nominaux, le patrimoine des 80 personnes les plus riches du monde a doublé entre 2009 et 2014.»

Évolution de la répartition des richesses mondiales (source : Oxfam)

Le poids de secteurs clés et du… lobbying

La finance et la pharmacie se portent bien. Le patrimoine des milliardaires financiers a augmenté de 11% en douze mois, de mars 2013 à mars 2014 ; celui des pharmaciens a, lui, bondi de 47%. «Les multinationales les plus prospères de ces secteurs dégagent d’énormes bénéfices, écrit Oxfam. Elles gèrent d’importantes ressources qu’elles utilisent pour rétribuer leurs propriétaires et leurs investisseurs, gonflant ainsi leur fortune personnelle.» Les multinationales que possèdent les 1% les plus riches sont de plus en plus féroces dans leurs rapports de forces avec les Etats. Ainsi, le lobbying dans les deux plus grosses puissances mondiales (Europe et Etats-Unis) a à lui seul dépassé le milliard de dollars, réparti à égalité entre les deux entités. Objectif, selon l'ONG : «Etablir un environnement réglementaire qui protège et renforce leurs intérêts». Un interventionnisme de plus en plus virulent que dénoncent avec force des réseaux citoyens, tels que Corporate europe observatory, qui organise même des lobbies tours à Bruxelles pour tenter de démontrer comment, lors de négociations telles que celles en cours sur un accord transatlantique entre les Etats-Unis et l'Europe, les lobbies pèsent d'un poids capital.«La force de lobbying de ces secteurs», redoute Oxfam, peut être «un obstacle majeur à la réforme du système fiscal international et impose des règles de propriété intellectuelle qui empêchent les plus pauvres d’accéder à des médicaments vitaux.»

La crise profite aux plus riches

On l’oublie un peu vite, mais malgré la crise économique en Europe, le patrimoine privé des Européens n’a jamais été aussi prospère. Une autre étude publiée par la banque suisse Julius Baer, publiée en octobre 2014, rappelait que le patrimoine privé des Européens n’a jamais été aussi haut, avec plus de 56 000 milliards de dollars. Pire, les inégalités sont parties pour exploser davantage, le patrimoine des Européens devant atteindre 80 000 milliards d’euros d’ici à 2019, soit une hausse de 40%. A l’arrivée, 10% des ménages détiennent plus de la moitié de la fortune globale du Vieux continent. Aux Etats-Unis, 5% détiennent 85% des richesses. Plusieurs raisons l’expliquent. D’abord, rappelait le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz dans son livre-choc Le prix de l'inégalité, «le taux d’imposition moyen en 2007 des 400 ménages les plus riches n’a été que de 16,6%, loin en dessous des 20,4% que paient les contribuables en général.» Ensuite, parce qu’ils ont accaparé les rouages de la machine politique. «Ce sont eux qui fixent les règles du jeu politique qu’ils mettent au service de leurs intérêts» ; la moitié des élus du Congrès sont ainsi millionnaires, a rappelé l'an passé une analyse du Center for responsive politics. Enfin, parce que la vague de dérégulation leur a servi. «En trente ans, les salaires de 90% des Américains n’ont augmenté que de 15%, tandis que les salaires du 1% supérieur ont bondi de 150% ! Et ceux du 0,1% supérieur de plus de 300%.» De quoi alimenter le vent de fronde qui, de New York à Londres, en passant par Madrid, a poussé les Indignés dans la rue. «Nous sommes les 99%», martelaient-ils, par opposition aux 1% qui accaparent le pouvoir et la richesse.

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