lundi 14 décembre 2015

Ikea remet en cause le dogme de la très grande surface de vente

Ikea a enfin pris le virage du e-commerce. Longtemps arc-bouté sur son modèle à succès de très grands magasins, qu'il continue d'ouvrir, le géant suédois a mis du temps à investir la Toile. Mais les ventes de ses sites marchands décollent enfin et l'enseigne inaugure aussi des points de livraison.


Le PDG d'Ikea, Peter Agnefjäll, reconnaît, dans son introduction au rapport annuel 2015, l'inflexion stratégique du groupe suédois. « Le gros de notre croissance vient de nos magasins existants, mais aussi de l'effort que nous avons fait pour toucher plus de gens avec de nouveaux points de vente, de nouveaux services et notre expansion en ligne. »
Des finances florissantes

Le PDG en place depuis 2013, qui fut longtemps l'assistant personnel du fondateur Ingvar Kamprad, assume l'adaptation du concept commercial du géant mondial de l'ameublement à l'évolution du commerce, et notamment au développement du e-commerce. Même si ce mouvement reste marginal, et si l'enseigne suédoise construit toujours l'essentiel de sa croissance sur« un modèle unique de magasin » - une très grande surface en périphérie d'une agglomération et des meubles à emporter -, le dogme du « no parking no business » n'est plus le seul credo de l'enseigne suédoise.

La croissance de 11,2 % du chiffre d'affaires, enregistrée au cours de l'année fiscale 2015 (32,7 milliards d'euros au total), vient, pour moitié, de la hausse des ventes des magasins existants (5 %) et, pour moitié, de l'ouverture de 13 nouveaux points de vente, dont 3 en Chine et un premier en Corée du Sud. La France a connu, elle, deux ouvertures, à Mulhouse et Bayonne, mais l'activité n'a progressé que de 1 % au global et de 0,7% en comparable, la faute à la crise de la construction de logements. Les ventes réalisées sur Internet ont, elles, dépassé la barre du milliard d'euros, bien que des sites marchands n'aient été ouverts que dans 13 pays sur les 28 où l'enseigne est implantée. Cela ne représente encore que 3,2 % du chiffre d'affaires, mais il y a quelques années encore, ce n'était rien.
Proche des centres-villes

Signe des temps, Ikea a également ouvert au cours de son dernier exercice des magasins plus proches des centres-villes, comme à Hambourg (18.000 mètres carrés de surface de vente grâce à 7 niveaux dont 4 de parkings !), mais surtout huit « Pickup Stores » en Espagne, en Norvège, au Canada, au Japon, au Royaume-Uni et en Finlande. Ces magasins, conçus comme des points de livraison, n'exposent sur environ 1.000 mètres carrés qu'une partie de l'offre, le reste de l'assortiment pouvant être commandé en ligne. Pour assumer ce virage de l'e-commerce, comme pour poursuivre l'ouverture des magasins classiques, dans le but d'atteindre la barre des 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'horizon 2020, objectif fixé par Peter Agnefjäll, Ikea peut compter sur des finances toujours plus florissantes. L'exercice 2015 s'est achevé sur un bénéfice net de 3,2 milliards d'euros, en hausse de 5,5 %, avec une marge brute stable de… 42,9 %. Quant aux fonds propres du groupe, ils atteignent désormais les 50 milliards d'euros ! 

Les chiffres clefs :
330 magasins
Le nombre de magasins Ikea dans les 28 pays d'implantation de l'enseigne.
32,7 milliards d'euros
Le chiffre d'affaires de l'exercice 2015 clos le 31 août.
50 milliards d'euros
L'objectif de chiffre d'affaires pour 2020.

La relance de Fly, le petit outsider du marché, prendra cinq ans

Le repreneur, Nicolas Finck, veut retrouver un réseau de plus de 100 unités. Avec un positionnement design moyen de gamme.

Il faudra cinq ans à Nicolas Finck pour redonner à Fly une envergure nationale. L'ancien directeur financier du Mobilier européen, qui a repris l'enseigne à la barre du tribunal il y a douze mois, vise à cette échéance un parc de magasins d'environ 120 unités. Soit autant qu'il y a quelques années, à l'apogée du développement de la marque créée en 1978 pour concurrencer Ikea sur le marché du « jeune habitat ».
Magasin pilote

Fly compte aujourd'hui 64 points de vente : 39 en propre et 25 en franchise. Nicolas Finck compte conserver un tel équilibre entre les magasins détenus en propre et ceux exploités sous licence par des indépendants. Il compte investir 5 millions d'euros par an pendant cinq ans pour soutenir cette expansion. Elle débutera par l'ouverture dans une grande ville d'un magasin pilote illustrant la nouvelle politique commerciale. Entre-temps, celui qui a repris 75 % du capital, le solde étant détenu par des associés privés (« Le tribunal n'a reçu aucune offre "industrielle" venant du secteur et aucune offre financière émise par un fonds », explique-t-il), aura ouvert une plate-forme logistique dans le Rhône et développé sa stratégie multicanale. Il devra aussi stabiliser le chiffre d'affaires à parc constant (aujourd'hui environ 200 millions d'euros) et résorber les pertes. Pour financer ce plan, Fly utilisera l'un des rares atouts que ne lui a pas retiré la liquidation : un porte-feuille immobilier fait de murs de magasins divers (dont des Castorama) qui avait été placé dans le giron de la société par les dirigeants du groupe. Une poire pour la soif, valorisée à 80 millions d'euros.

Pour le reste, Nicolas Finck a choisi un positionnement que l'on qualifierait de moyen de gamme si la notion n'était pas devenue péjorative avec la polarisation des marchés de consommation entre, d'un côté, les prix bas, et, de l'autre, le haut de gamme. « Nous voulons traiter le meuble comme la mode, en misant sur un design en phase avec les tendances mais qui tienne aussi compte de l'usage des produits » : derrière ces propos que ses concurrents auraient pu tenir, le dirigeant cache la volonté de se distinguer du coeur du marché dominé par les Ikea, Conforama, but et autres. Avec des produits plus originaux. Un positionnement plus haut de gamme que le positionnement historique de l'enseigne. Reste néanmoins à voir si ce nouveau Fly parviendra à trouver sa place entre des leaders qui travaillent eux-mêmes beaucoup leurs collections et les enseignes plus pointues et plus chères, comme Habitat ou Roche-Bobois. Le tout dans un marché encore pénalisé par la crise de la construction de logement. 
Repris à la barre du tribunal Juin 2014 Le groupe Mobilier européen, qui réunit les enseignes d'ameublement Fly, Atlas et Crozatier, est placé en procédure de sauvegarde.

Septembre 2014:  Mobilier européen est placé en redressement judiciaire.
Novembre 2014  : Démantèlement du groupe prononcé par la justice.
Décembre 2014 : Nicolas Finck reprend 39 magasins Fly et les franchisés.

Ls Echos, 11/12/2015

mercredi 21 octobre 2015

L’art de l’insulte

Même si votre patron ou les choix pris par votre direction vous insupportent, il va falloir retenir vos jurons. La liberté d’expression est possible dans l’entreprise mais il convient de ne pas dépasser certaines limites sous peine de risquer d’être mis à la porte.


Vous êtes en contradiction avec votre boss et vous ruminez intérieurement de dire tout haut ce que vous pensez tout bas ? Dans la réalité, il semble pourtant difficile de critiquer sa hiérarchie. La peur de subir les foudres de ses supérieurs empêche en effet bien souvent les salariés de s’y opposer frontalement. Alors qu’a-t-on le droit de dire au bureau ? Il faut savoir qu’en France, la liberté d’expression est protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Ce principe est également posé par l’article L.1121-1 du code du travail et s’applique donc en entreprise.
Mais attention toutefois, la liberté d’expression au travail connaît des limites comme le rappelle la Cour de cassation(1) qui a jugé que “le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, d’une liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. L’exercice de la liberté d’expression ne peut donc constituer une faute qu’à la condition d’avoir dégénéré en abus”.
Éric Rocheblave, avocat en droit du travail, le confirme : “Rien n’interdit à un salarié d’exprimer ses pensées à son employeur mais cette liberté d’expression ne doit pas dégénérer en abus c’est-à-dire que le salarié ne doit pas tenir des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs. Par exemple, dans ce dernier cas, il pourrait s’agir d’un salarié qui est systématiquement dans une position critique.”

L'abus apprécié au cas par cas

En matière de liberté d’expression, il précise d’ailleurs que le contentieux est “abondant”. À titre d’exemple, la cour d’appel d’Angers(2), a estimé que le fait d’injurier son employeur de “connard, petit con, bon à rien, incapable” constituait une faute d’une gravité telle qu’elle ne permettait pas le maintien du salarié incriminé dans l’entreprise, même pendant la durée limitée de son préavis. Elle a donc retenu que le licenciement était justifié pour faute grave. À l’inverse, la cour d’appel de Douai(3), a estimé que le fait qu’une salariée ait dit à son supérieur hiérarchique : “tu me fais chier” ne constituait pas pour autant des injures au sens propre du terme, et que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Éric Rocheblave assure que “c’est au juge d’apprécier l’abus”. En effet, la décision de ce dernier se fait au cas par cas et prend en compte les circonstances particulières dans lesquelles les propos ont été tenus. Dans un arrêt(4), la Cour de cassation a, par exemple, estimé que les insultes d’un salarié à l’encontre de son employeur pouvaient être mises au compte de l’état d’exaspération et de fragilité psychologique dans lequel il se trouvait, lié aux vicissitudes des relations professionnelles qu’il entretenait avec son supérieur.
Quoi qu’il en soit, avant le verdict du tribunal, c’est l’employeur qui décide de la qualification de la sanction. Sachez que même si l’abus peut conduire à votre renvoi de la société, ce n’est pas automatique. “En fonction de la teneur des propos, cela peut justifier pour l’employeur une palette de sanctions qui vont de l’avertissement au licenciement pour faute grave, voire faute lourde”, détaille Franc Muller, avocat en droit du travail. Et quand l’employeur juge que vous avez dépassé les bornes, le couperet tombe. “En général, il convoque le salarié à un entretien préalable et il prend une sanction contre lui, précise-t-il. Dans tous les cas, c’est au salarié de se tourner vers les juges s’il estime qu’elle n’est pas justifiée.” Est-ce un cas fréquent ? “Le salarié qui a été licencié du jour au lendemain l’admet difficilement et va la plupart du temps aux prud’hommes”, assure l’avocat en droit du travail. Et Éric Rocheblave de rappeler : “Le pouvoir disciplinaire appartient à l’employeur sous le contrôle du juge. C’est ce dernier qui va vérifier la réalité des faits reprochés et apprécier la proportionnalité de la sanction prononcée par le dirigeant”.

Méfiez-vous des insultes virtuelles

Franc Muller conseille d’ailleurs aux salariés de faire attention à leurs propos qu’ils soient tenus à l’oral ou écrits. “Un salarié qui avait 26 ans d’ancienneté dans une entreprise avait envoyé un e-mail collectif à ses collègues dans lequel il disait que la DRH n’était ‘pas terrible’, donne-t-il en exemple. Il a été licencié pour faute grave et il a dû quitter son poste du jour au lendemain.” Autre endroit qui peut laisser des traces : le Web. Attention là aussi aux critiques ou remarques que vous pourriez avoir envie d’écrire sur la Toile. “Sur Facebook, par exemple, on se lâche et on ne met pas les formes alors que c’est un espace généralement reconnu comme public par les juges sauf à paramétrer l’outil de manière très restrictive, d’avoir très peu d’amis et de ne pas être référencé par les moteurs de recherche. De manière générale, on peut donc y exercer son droit d’expression mais sans que cela ne dégénère en abus”, explique Éric Rocheblave qui cite le cas d’un salarié licencié par son employeur après avoir posté : “J’en ai marre de travailler avec des faux-culs” sur sa page Facebook. La cour d’appel de Rouen(5) avait considéré que le salarié ne pouvait s’abriter derrière le prétendu caractère confidentiel de ses propos, tenus sur le mur public du réseau social accessible à toute personne. Aussi, elle avait justifié son licenciement par une cause réelle et sérieuse. À bon entendeur !

1 - Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2011 référence RG°09-72054.
2 - CA Angers, 15 Octobre 2002 Numéro JurisData : 2002-210357. Plus de détails sur : http://rocheblave.com/avocats/petit-guide-des-grossieretes-au-travail/
3 - CA Douai, 21 décembre 2007 RG 07 / 00137.
4 - Cour de Cassation. Soc. 17 juin 2009 N°08-41.663
5 - CA de Rouen 14 mai 2013 n°12/01723.

http://www.courriercadres.com/carriere/conseil-management/l-art-de-l-insulte-01102015#sthash.mwsgrvx5.dpuf

La Page des Cadres,
Par Audrey Pelé, le Jeudi 01 Octobre 2015

mardi 6 octobre 2015

PSA étudie un partenariat avec Tata Motors en Inde

PSA Peugeot Citröen envisage de nouer un partenariat avec le constructeurautomobile indien Tata Motors pour la fabrication et la vente de ses modèles en Inde d'où il est absent depuis une vingtaine d'années, affirme lundi le quotidien Economic Times.
Une chaîne d'assemblage pour la Peugeot 308 à Sochaux,

Le constructeur français pourrait confier la production de plusieurs modèles à Tata qui dispose de capacités disponibles dans son usine de Sanand dans le Gujarat (ouest) en raison de l'échec commercial de la Nano, son petit modèle à très bas prix, ajoute le quotidien qui cite des personnes proches du dossier.

PSA étudie la possibilité de lancer la Peugeot 208, la 308 et la 2008 en Inde, poursuit le journal. Le groupe français examinerait également un partage de technologie en matière de moteurs avec son partenaire.

Le titre Tata Motors montait en milieu de journée de 6,58% à 316,55 roupies à la Bourse de Bombay, dans un marché en hausse de 1,49%.

Le projet d'implantation du groupe français en Inde n'est pas le premier: au milieu des années 1990, il y a assemblé des 309 dans le cadre d'un partenariat avec la société indienne PAL mais les ventes n'étant pas au rendez-vous, il avait fini par jeter l'éponge et se retirer en 1997. 

Un porte-parole de PSA a refusé de confirmer les propos de l'article en question.
"Nous avons créé en 2014 une organisation par région, la création d'une région Inde-Pacifique montre l'importance du marché indien pour PSA. Mais à ce jour, il n'y pas de décision pour un retour rapide en Inde", a-t-il déclaré à l'AFP.
Un porte-parole de Tata Motors a de son côté refusé de commenter l'information.
Tata Motors a annoncé en août une chute de 56% de son bénéfice net trimestriel en raison des faibles résultats de sa branche britannique de luxe Jaguar Land Rover (JLR) et de la stagnation de ses ventes sur le marché intérieur.

jeudi 1 octobre 2015

Baisse des taux d’intérêt en Inde pour soutenir la croissance

C’est une décision que New Delhi attendait avec impatience. La Reserve Bank of India (RBI, banque centrale) a baissé, mardi 29 septembre, son taux d’intérêt directeur, pour la quatrième fois cette année. « Une reprise économique hésitante est en cours, qui est encore loin d’être robuste », a justifié le gouverneur de l’institution, Raghuram Rajan, dans sa déclaration de politique monétaire. L’institut monétaire justifie également sa décision par celle de la Réserve fédérale américaine (Fed), en septembre, de retarderla hausse de ses taux d’intérêt directeurs.

L’analyse des indicateurs sur les fronts de l’inflation, du niveau de précipitations lors de la mousson, et de la conjoncture économique internationale a conduit à cette baisse des taux, plus importante que prévue. En effet, la RBI a réduit le loyer de l’argent d’un demi point à 6,75 % quand les marchés tablaient plutôt sur une baisse d’un quart de point. Le principal argument de la banque centrale indienne est donc à chercher du côté des prix. L’inflation a été contenue au ­dessous du seuil jugé acceptable des 4 % en août, grâce notamment aux faibles cours du pétrole brut dont l’Inde est nette importatrice, et ne devrait pas dépasser les 6 % d’ici le mois de janvier.

Le risque de la valse des étiquettes écarté, la RBI disposait donc d’une marge de manœuvre importante pour abaisser son taux d’intérêt directeur et espérer doper encore un peu plus la croissance de l’économie Indienne, encore fragile, qui demeure tout de même la plus élevée parmi les pays émergents. Le produit intérieur brut (PIB) indien a fléchi au deuxième trimestre à 7 % contre 7,5 % le trimestre précédent. Soulagement du gouvernement Dans sa déclaration de politique monétaire, la banque centrale précise que « la croissance globale est plus modérée, particulièrement dans les économies de marché émergentes » et que « le commerce mondial s’est encore détérioré. »

L’Inde espère donc compenser la baisse de ses exportations par une hausse de la demande domestique, via la baisse des taux d’intérêt. « Nous devons recommencer à investir . Les investissements des entreprises ont été faibles », a souligné M. Rajan. L’annonce de la baisse des taux a été accueillie avec soulagement par le gouvernement Indien. « Elle va accélérer les investissements et la croissance », a déclaré le ministre des finances , Arun Jaitley. A la mi­ septembre, ce dernier avait exhorté le gouverneur de la banque centrale à baisser ses taux, au prétexte que « l’inflation était sous contrôle. » Il était même question que New Delhi mette en place un « comité monétaire », sous son autorité, pour superviser les activités de la banque centrale, menaçant par là même son indépendance, avant qu’il n’y renonce finalement.

Désormais le gouvernement et la RBI partagent le même objectif : la relance de la croissance, avant la lutte contre l’inflation. Siddharth Nath Singh, l’un des dirigeants du Bharatiya Janta Party, le parti au pouvoir , estime que la baisse des taux d’intérêt va « aider les rêves de beaucoup de devenir propriétaires de leurs maisons » et favoriser la relance du secteur de l’immobilier 

Les milieux d’affaire ont aussi salué cette décision et l’indice phare de la Bourse de Bombay, le Sensex, a terminé en hausse en fin de journée. La baisse des taux va enfin faciliter la tâche du premier ministre indien, Narendra Modi, qui tente de convaincre les grands groupes du pays d’augmenter leurs investissements, malgré leur niveau élevé d’endettement. Ce sont surtout les investissements étrangers qui ont augmenté en 2014, avec une hausse de près de 49 %.

Le Monde.fr le 30.09.2015

lundi 21 septembre 2015

Croissance rapide: Rajan met en garde l'Inde

Le gouverneur de la banque centrale indienne (RBI) a mis en garde aujourd'hui contre la tentation pour l'Inde d'une croissance trop rapide, prenant en exemple les déboires actuels du Brésil.

La troisième économie d'Asie doit viser "une croissance durable", fondée sur une inflation basse, a estimé Raghuram Rajan.

"Aussi paradoxal que cela puisse sembler, le Brésil a voulu croître trop vite", a dit le gouverneur devant un parterre de patrons à Bombay, rappelant que l'économie brésilienne pourrait se contracter de 3% cette année, cinq ans après une croissance record de 7,6%. L'Inde, qui connait une croissance d'environ 7% actuellement, affiche les performances les plus solides parmi les cinq grands pays émergents regroupés sous l'acronyme Brics.

Le Brésil et la Russie s'enfoncent dans la récession qui menace également l'Afrique du sud, tandis que la Chine a connu une croissance de 7,3% en 2014, la plus faible depuis 24 ans, et son rythme devrait encore ralentir cette année.

L'Inde "apparait comme un îlot de calme relatif dans un océan de turbulences", a dit Rajan, ajoutant que "les autres Brics ont tous des problèmes profonds". "Les difficultés des marchés émergents relèvent d'un éventail compliqué de raisons mais l'une d'entre elles, importante, est l'impatience de renouer avec la croissance en ayant recours à des méthodes de relance anciennes et inefficaces", dit-il. "Le Brésil a probablement trop dépenser et la Chine trop investi", a-t-il ajouté en exemple. Le Premier ministre indien Narendra a remporté les législatives l'an dernier sur un programme de relance de l'économie et de l'emploi, promettant de faciliter les investissements industriels. Si les autres pays émergents dépendant des revenus de vente des matières premières souffrent de la contraction de ces marchés, l'Inde bénéficie au contraire de la baisse des cours du pétrole.

Le gouverneur Rajan a estimé que la croissance brésilienne s'était faite par le biais d'une "relance substantielle" et a suggéré que la pression mise sur la banque centrale pour qu'elle réduise ses taux avait incité des consommateurs à s'endetter au-delà de leur solvabilité. La RBI, qui a placé comme priorité la lutte contre l'inflation depuis l'arrivée du gouverneur Rajan il y a deux ans, se retrouve sous pression du gouvernement et du patronat pour réduire à nouveau ses taux lors de sa prochaine réunion le 29 septembre. "Nous devons avoir une discipline et tenir notre stratégie de construire les institutions nécessaires et de créer un nouveau chemin de croissance durable", a dit Rajan. "Pour cela, nous avons besoin de la compréhension et la coopération des entreprises, pas d'impatience ni de pression pour des remèdes rapides impossibles à trouver", a-t-il ajouté.

Le Figaro,18/09/2015

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/09/18/97002-20150918FILWWW00143-croissance-rapide-rajan-met-en-garde-l-inde.php

vendredi 18 septembre 2015

Les inégalités de revenus nuisent à la croissance

Les tenants de la théorie du « ruissellement » ou « trickle down », selon laquelle les revenus des plus riches contribueraient à la croissance, ont du souci à sefaire : des économistes du Fonds monétaire international (FMI) contestent ouvertement cette approche. Dans une étude sur les causes et les conséquences des inégalités, présentée lundi 15 juin, ils établissent au contraire que, plus la fortune des riches s’accroît, moins forte est la croissance.

Lorsque la part de gâteau des 20 % les plus aisés augmente de 1 %, le produit intérieur brut (PIB) progresse moins (– 0,08 point) dans les cinq ans qui suivent. Autrement dit, les avantages des plus riches ne ruissellent pas vers le bas, contrairement aux convictions des économistes néolibéraux qui défendirent les politiques de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan et les baisses d’impôt pour les hauts et très hauts revenus.

En revanche, une augmentation de même importance (+ 1 %) de la part des revenus détenue par les 20 % les plus pauvres est associée à une croissance plus forte de 0,38 point.
Réduire les inégalités pour soutenir la croissance

Cette corrélation positive vaut aussi pour la classe moyenne. Probablement soucieux de ne pas être accusés d’angélisme, les auteurs de ce travail, qui lance le débat au FMI sans engager pour l’instant l’institution, prennent soin de faire remarquer qu’un « certain degré d’inégalité peut ne pas être un problème dans la mesure où cela incite les individus à exceller, à se battre, à épargner et à investir pour aller de l’avant ». Ils tirent, par ailleurs, de leurs travaux la conclusion générale que les dirigeants politiques doivent faire porter leurs efforts sur les plus pauvres et sur la classe moyenne pour réduire les inégalités et soutenir la croissance.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est parvenue à des conclusions similaires. Dans un travail de décembre 2014, repris en mai dans son troisième rapport sur les inégalités intitulé In It Together : Why Less Inequality Benefits All («Tous concernés : pourquoi moins d’inégalité bénéficie à tous »), elle établit que l’augmentation des inégalités entre 1985 et 2005 a coûté en moyenne près de 4,7 points de croissance cumulée dans les pays avancés, moins du fait de l’envolée des revenus des plus riches que du sort réservé aux 40 % les plus défavorisés.


L’institution a revélé que la France, bien qu’en position moyenne, a été le troisième de ses 34 pays membres pour l’augmentation des inégalités entre 2007 et 2011. Autrement dit, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. L’Observatoire des inégalités a dressé un état des lieux dans son premier rapport sur les inégalités en France du 4 juin.
1 % de la population mondiale détient la moitié de la richesse

L’étude du FMI est plus large que celle de l’OCDE puisqu’elle porte sur un échantillon d’une centaine de pays : économies avancées, émergents et pays en développement. Elle permet donc de progresser dans la compréhension de la dynamique des inégalités et de ses moteurs. Ses auteurs font observer que globalisation financière et progrès technologiques sont associés, partout, à une augmentation de la part des revenus détenue par les 10 % les plus riches, désormais neuf fois plus importante que celle détenue par les 10 % les plus pauvres.

Dans les pays avancés, le fossé entre riches et pauvres s’est creusé comme jamais depuis plusieurs décennies. Dans les pays émergents et en développement, en revanche, l’augmentation des inégalités s’explique d’abord par le fait que les revenus des classes moyennes supérieures ont rejoint ceux des classes supérieures, comme en Chine et en Afrique du Sud.

La concentration de la richesse mondiale est spectaculaire. Près de la moitié de celle-ci, soit 110 000 milliards de dollars (97 441 milliards d’euros), est detenue par 1 % de la population. Dans une étude sur la richesse mondiale en 2015 rendue publique lundi, le Boston Consulting Group (BCG) révèle à ce propos que le nombre de millionnaires en dollars a crû de 16 % en un an et que l’Asie-Pacifique (hors Japon) devrait être la région comptant le plus de millionnaires en 2016, devant l’Amérique du Nord.

L’assouplissement du marché du travail favorise les inégalités

Les grands perdants de ces évolutions qui ont été amplifiées par la crise de 2007-2008 sont les classes moyennes, victimes de la polarisation des revenus du travail aux extrémités de l’échelle des revenus (les plus qualifiés et les peu ou pas qualifiés, généralement protégés dans les pays avancés par l’existence d’un salaire minimum.) Les économistes du FMI observent par ailleurs que l’assouplissement du marché du travail va de pair avec une inégalité croissante et l’enrichissement des 10 % les plus aisés. Ils en concluent que la flexibilité du marché du travail bénéficie aux plus riches et réduit le pouvoir de négociation des travailleurs pauvres. Les organisations syndicales ne disent pas autre chose…

Ces résultats sont cohérents avec une autre étude du Fonds, non encore publiée, selon laquelle, dans les économies avancées, le décrochage du salaire minimum par rapport au salaire médian va de pair avec une hausse des inégalités et la diminution du taux de syndicalisation est fortement corrélée à la hausse des revenus des 1 % plus riches.

Pour réduire les inégalités, les experts du FMI recommandent dans les pays émergents et en développement de donner aux plus pauvres accès auxservices financiers. Dans les pays avancés, l’accent doit être mis sur le développement du capital humain et des compétences et sur une politiquefiscale plus redistributive, par le biais des impôts sur la fortune et la propriété, ainsi que sur une fiscalité des revenus plus progressive.

Le Monde,  15.06.2015 par Claire Guélaud

mardi 15 septembre 2015

Au Brésil, la fin du mirage automobile

Chaque matin, Francisco Tavares sortait son petit bolide du garage pour se rendre au travail. Un parcours triomphal d'une vingtaine de minutes en bord de mer, au volant de sa RCZ, pour rejoindre sa concession Peugeot de Santos, à 70 kilomètres de São Paulo. Au volant du coupé sport de la marque française, il ne passait pas inaperçu. Question de prestige… Mais la vie bien réglée de « M'sieur Chico », comme l'appellent ses clients, a récemment pris une autre tournure. Tout d'abord, le ralentissement du secteur l'a conduit à déménager vers des locaux plus modestes. Puis le gigantesque scandale de corruption qui ébranle le pays depuis un an a commencé à produire des effets dévastateurs sur l'ensemble de l'économie, entamant la confiance des consommateurs. Pas d'autre issue possible : Francisco Tavares a dû mettre la clef sous la porte.

Les grands noms du secteur automobile ont misé gros au Brésil durant les années fastes. Ils sont aujourd'hui rattrapés par la crise et voient leurs ventes s'effriter. Pourtant, à l'instar de PSA ou de Renault-Nissan , la plupart continuent de croire au potentiel de cet énorme marché et n'envisagent pas d'y réduire la voilure.

Cette mésaventure est loin d'être un cas isolé au Brésil. Après une chute vertigineuse des ventes sur le marché intérieur depuis deux ans, c'est l'hécatombe du côté des revendeurs, avec la fermeture de quelque 700 concessionnaires depuis le début de l'année. Dix-sept mille emplois ont déjà été supprimés, selon la Fédération nationale des distributeurs automobiles (Fenabrave). Le symptôme d'une crise profonde, affectant en fait l'ensemble du secteur automobile local. Les constructeurs se mettent en quatre pour ajuster l'offre à la demande et contrôler les coûts, sur fond de récession et d'inflation élevée. En un an, l'industrie a perdu 10 % de ses effectifs, et 27.000 salariés ont été mis en chômage technique. Dans un contexte de crise généralisée, qui a vu le marché dégringoler de près de 20 % cette année, après un recul de 7 % en 2014, la filière automobile traverse une bien mauvaise passe. D'autant que les exportations sont loin de compenser l'effondrement du marché intérieur…

Une crise plus sévère que prévu

Renault-Nissan et PSA n'échappent pas à la règle. Depuis le début de l'année, les ventes de Peugeot et de Citroën ont plongé de plus de 40 % en moyenne ; celles de Renault accusent un repli de près de 18 % sur les huit premiers mois de l'année et de 25 % pour les véhicules commerciaux légers. Seul Nissan est parvenu à stabiliser ses ventes tant bien que mal. Sur le marché brésilien, la marque japonaise dépasse désormais PSA… François Dossa, le patron de sa filiale locale, évite le triomphalisme :« Nous allons le mieux possible dans un pays qui ne va pas très bien. Le marché est très déprimé. C'est mauvais pour tout le monde », observe-t-il. Avec une part de marché de 7 % sur les véhicules légers, Renault, lui, est désormais devancé par le coréen Hyundai, à la sixième place du classement des constructeurs.

Les déboires des groupes automobiles sont, au choix, le fruit d'un mauvais timing ou d'une erreur d'appréciation. Lancée en période de forte croissance, la dernière grande vague d'investissements produit ses effets au plus mauvais moment : les nouveaux modèles made in Brazil arrivent sur le marché en pleine crise, qui n'est plus en mesure de les absorber. Aujourd'hui, le pays se retrouve avec une capacité de production de 4,6 millions de véhicules, alors que l'industrie ne prévoit d'assembler guère plus que 2,5 millions de modèles cette année (toutes catégories confondues). « On tablait sur un marché de 4 millions de véhicules en 2015 au Brésil, qui était en passe de devenir le troisième plus grand marché mondial », confiait cet été Carlos Gomes, le patron de PSA en Amérique latine, en marge du salon de Buenos Aires. « On parle maintenant de 2,6 millions. C'est comme si 1,4 million de véhicules s'étaient évaporés. »

Dans la profession, le pessimisme est de mise. Car la crise économique dans laquelle se débat le Brésil depuis des mois est beaucoup plus sévère que prévu. Et cela, personne ne semblait s'y attendre du côté des constructeurs. Alors que l'association qui représente leurs intérêts misait sur une stabilité des ventes au début de l'année, elle prévoit désormais un recul de 20 %.« Je n'arrive pas à entrevoir une reprise du marché », reconnaissait récemment son président, Luiz Moan Yabiku Junior.

Durant les années fastes portées par la hausse des matières premières et par la croissance de la demande, l'industrie automobile a profité à plein de l'explosion du crédit et de l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages. Des dizaines de millions de Brésiliens ont alors gonflé les rangs d'une nouvelle classe moyenne émergente. « Avec une idée en tête : acheter une voiture », explique un expert local. Mais ce modèle de croissance basé sur la consommation a fini par montrer ses limites. Dilma Rousseff a été réélue à la présidence en octobre dernier en promettant la continuité, mais elle a finalement dû faire le choix de la rigueur pour tenter de corriger des déséquilibres qui menacent toujours le Brésil. Lors de la fête nationale du 7 septembre, elle évoquait ainsi une cure d'austérité et des « remèdes amers ».

Coûts de production élevés

Pourtant, certains croient encore à l'eldorado brésilien. Car, en dépit des difficultés actuelles, le marché conserve un énorme potentiel. « Aucun constructeur n'a réduit ses investissements d'un centime », soutient Luiz Moan. La filiale de General Motors, dont il est l'un des directeurs, va même doubler les investissements prévus à l'horizon 2019 (environ 3 milliards d'euros sur cinq ans). Fiat Chrysler Automobiles vient aussi d'inaugurer une usine Jeep au milieu des champs de canne à sucre, dans le Nordeste. Audi, BMW et Land Rover ont à leur tour planté leurs drapeaux au Brésil. « Les constructeurs français viennent également de lancer de nouveaux modèles et d'augmenter leur capacité de production », précise Luiz Moan.

Depuis l'an dernier, Renault est ainsi en mesure de fabriquer une voiture à la minute dans son usine de Curitiba. Avec environ un 1 véhicule pour 5 habitants, « le Brésil demeure sous-équipé en automobiles », souligne-t-on au siège de Boulogne-Billancourt. Il y a vingt ans, ce ratio stagnait autour de 1 pour 9. En dépit des crises successives, le Brésil progresse donc. Lorsqu'il avait le vent dans le dos, le géant émergent est brièvement devenu le quatrième plus grand marché mondial (devant la France), il y a quelques années, avant de rétrograder à la septième place. Mais, à terme, les experts du secteur automobile prédisent que le Brésil pourrait bien retrouver cette position, derrière la Chine, les Etats-Unis et l'Inde. « Il faut avoir les reins solides », admet-on chez Renault, qui a essuyé sur place des pertes de 270 millions de reais (environ 60 millions d'euros) l'an dernier. Quant à la filiale de PSA, elle est dans le rouge depuis trois ans. « Il faut comprendre que nous cherchons à améliorer la rentabilité. Nous sommes déjà en train d'y parvenir en Amérique latine en 2015, même dans un contexte économique extrêmement difficile. Notre objectif est d'atteindre le point mort dans la région dans son ensemble d'ici à 2017 », explique Gustavo Soloaga, directeur financier de PSA en Amérique latine.

Au-delà des cycles de forte expansion et de récession, les déboires actuels des constructeurs montrent que le Brésil n'a pas encore su traiter, à l'inverse du Mexique, les problèmes de fond qui plombent sa compétitivité. Le carnet de doléances est bien rempli, mais peu de progrès ont été accomplis au cours des dernières années pour alléger et simplifier la fiscalité, réduire le coût de la main-d'oeuvre (les syndicats des métallos sont les mieux organisés du pays, depuis l'émergence d'un certain Lula…), la lourdeur du Code du travail, sans parler des problèmes de logistique. Un industriel français confiait récemment que les coûts de production étaient de 25 % plus élevés au Brésil qu'aux Etats-Unis. « Il y a eu une évolution en ce domaine, mais pas une révolution », déplore François Dossa.

Le secteur a également du mal à sortir du protectionnisme qui a permis à l'industrie automobile de se développer au Brésil depuis les années cinquante. La priorité n'a jamais été accordée à l'exportation, notamment à cause du manque de compétitivité. « Au cours des dix dernières années, le Brésil s'est davantage concentré sur la croissance du marché intérieur que sur l'intégration dans le marché mondial », constate la consultante Leticia Costa, directrice du cabinet Prada.

L'an dernier, le pays a exporté 550.000 véhicules légers, soit seulement 15 % de sa production. Mais dans un Brésil en crise, c'est aujourd'hui le marché intérieur qui est en panne. Alors, il faut innover pour attirer le client. Citroën, qui a fait le pari osé de vendre des modèles haut de gamme ou relativement sophistiqués dans un pays à revenus intermédiaires, va même jusqu'à proposer deux billets aller-retour pour New York à chaque acquéreur d'un modèle de la marque…

Les points à retenir
- Dans  :un contexte de crise généralisée, les ventes de véhicules ont dégringolé de près de 20 % depuis le début de l'année au Brésil.
- Un trou d'air qui touche les industriels du secteur, qui ont perdu 10 % de leurs effectifs, comme les concessionnaires, contraints de fermer 700 points de vente ces huit derniers mois.
- De PSA à Renault en passant par Fiat-Chrysler ou GM, les grands constructeurs auto ont lourdement investi au Brésil, qui était en passe de devenir le troisième marché mondial avant la crise.Tous veulent croire qu'il s'agit seulement d'une mauvaise passe, et continuent de miser sur le pays.

Les Echos, 14/09/2015

Le nombre d'actionnaires minimum passe de 7 à 2 pour les SA non cotées

Simplification :

Dans le cadre du « choc de simplification », le nombre d'actionnaires requis pour constituer une société anonyme (SA) non cotée est réduit de 7 à 2 depuis jeudi 10 septembre. Cette modification du régime des sociétés anonymes permet d'aligner le nombre minimal d'actionnaires sur celui prévu par le régime de droit commun du Code civil.

La France était le seul pays européen à conserver une règle aussi stricte. Cette diminution devrait permettre de faciliter la création de sociétés, notamment les PME et les structures familiales.

Les Echos, 14/09/2015


samedi 12 septembre 2015

Bientôt la fin du calvaire des poussins mâles ?

Broyés vivants, gazés, étouffés dans des sacs poubelles, les poussins mâles de race «pondeuse» sont traités comme des déchets. Désormais appuyée par 42 parlementaires, l'association L214 fait campagne pour des alternatives à ces pratiques. Elle sera reçue jeudi au ministère de l'Agriculture.

Bientôt la fin du calvaire des poussins mâles ?

Un sexeur examine des poussins, le 16 juillet 2010 à Willgotheim

Quand on est un poussin mâle et qu’on a eu la malchance de ne pas naître dans la ferme de grand-maman mais dans un couvoir industriel, on est illico envoyé ad patres. Broyé vivant, gazé, étouffé dans un sac poubelle ou abandonné dans une benne à ordures. Bref, on est considéré comme un déchet, puisqu’en tant que mâle, jusqu’à nouvel ordre, on ne peut pas pondre des oeufs.

La charmante pratique concerne environ 50 millions de piou-pious du type «poule pondeuse», selon l’association de défense des animaux L214. Laquelle a lancé en novembre dernier une pétitionpour mettre un terme à leur calvaire, appuyée par une fort sympathique vidéo filmée en caméra cachée par un employé d’une entreprise bretonne. Hébergée par Change.org, son nombre de signataires a fait un joli bond ces dernières semaines, recueillant près de 119 000 soutiens.

Depuis mi-juin, 42 députés et sénateurs de tous bords politiques ont interpellé le ministre de l’Agriculture via des questions écrites, recensées sur le site de l’association. «Par rapport au nombre total de parlementaires, c’est relativement peu, mais c’est la première fois qu’il y en a autant qui posent des questions écrites sur ce sujet. On a même le soutien de Patrick Balkany, c’est assez cocasse», note Brigitte Gothière, porte-parole de L214. Sincère émotion ou pur opportunisme, cela semble porter ses fruits.
Certaines pratiques autorisées

L’association, explique-t-elle à Libération, sera reçue jeudi matin au ministère de l’Agriculture par des responsables de la santé et de la protection animale. «On avait écrit au ministre, qui ne nous a pas répondu. Mais on avait aussi envoyé une copie du courrier à ces responsables», ajoute la porte-parole. L214 demandera à ce que soient examinées les alternatives à la mise à mort des poussins au moyen de ces pratiques «barbares». Pour pouvoir les interdire «le plus rapidement possible».

Car sachez-le, contrairement à l’asphyxie dans des sacs poubelles, le broyage mécanique et le gazage sont autorisés. D’un côté, vous brisez le cou des petites boules de duvet et les réduisez en morceaux, de l’autre, cela s’apparenterait à «une sorte de noyade».

«Alors qu’il existe d’autres méthodes», explique Brigitte Gothière. Comme celle consistant à scanner les oeufs au troisième jour d’incubation et les trier à ce stade en fonction de leur sexe : au lieu de détruire des poussins, vous détruisez des oeufs. En Allemagne, ce système est à l’essai dans des laboratoires et «sera déployé en 2016 sur certains couvoirs pour, peut-être, être généralisé en 2017», ajoute la porte-parole. «Et en Suisse, certains cherchent à privilégier les souches mixtes, c’est-à-dire des animaux qui peuvent être utilisés à la fois pour l’industrie de l’oeuf et celle de la viande. Même si on peut se demander s’il vaut mieux finir broyé à la naissance ou en poulet rôti, cela peut être une des réponses au système actuel, qui a poussé la génétique à outrance pour ne produire que des poules pondeuses avec des mâles incapables de fournir assez de chair pour être assez rentables».

Les choses avancent. Aux questions des parlementaires, le gouvernement a répondu ceci, le 18 août : «[…] A l’instar d’autres pays européens, la filière avicole française ainsi que le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (MAAF) restent soucieux de faire évoluer les pratiques. Les professionnels travaillent actuellement à l’élaboration d’outils permettant de réaliser un sexage avant l’éclosion. D’autres hypothèses de travail sont aussi en cours d’analyse, telles que le sexage avant incubation. […]»
D'autres animaux concernés

Au-delà de la question des poussins mâles de type «poules pondeuses», L214 entend «mettre en lumière la façon dont notre société considère les animaux». «Ils sont sélectionnés de façon hyper pointue pour remplir des objectifs de rentabilité maximale. On en tue un milliard par an en France en abattoirs, ce qui ne ne compte pas les animaux morts en élevage -avec des mortalités allant jusqu’à 25% pour certaines filières-, les animaux éliminés en couvoir etc, qui ne sont pas consommables», déplore Brigitte Gothière. Qui cite, entre autres, le cas des canetons dans la production de foie gras où on ne garde que les mâles ; celui de la filière poulets de chair où l’on abat chaque année 800 millions de poulets après en avoir éliminé «environ 10 %» parmi les plus faibles ; des «porcelets tapés contre un mur ou achevés à coups de barres de fer» ou encore des lapereaux qui «agonisent dans les poubelles». Pour la porte-parole de L214, «résoudre la question du broyage des poussins, ce serait bien, mais ce ne serait qu’un petit bout de sparadrap sur un système qui va mal. Une toute petite goutte d’eau par rapport à ce qu’il faut faire». 

Libération, le 25 août 2015

vendredi 4 septembre 2015

Nouvelles mentions dans les conditions générales de vente

Les vendeurs professionnels sont tenus de garantir les consommateurs à la fois contre les défauts de conformité et contre les défauts cachés du bien vendu. 

Et pour que ces derniers soient parfaitement informés de leurs droits en la matière, la loi sur la consommation du 17 mars 2014 (la fameuse loi Hamon) a imposé aux vendeurs d'inscrire l'existence et les conditions de mise en oeuvre de ces garanties légales de conformité et de vices cachés dans leurs conditions générales de vente (CGV).
L'objet des garanties

La panne complète, le dysfonctionnement d'un appareil ou le caractère décevant de ses performances peut constituer un défaut de conformité. La garantie de conformité s'applique en effet dans toutes les situations où le produit n'est pas conforme à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, ne correspond pas à la description donnée par le vendeur ou ne possède pas les qualités annoncées par ce dernier. Sa mise en oeuvre par le consommateur est simple puisqu'une seule condition est requise : il faut que le ou les défauts existent au jour de l'achat. En cas de défaut de conformité, l'acheteur dispose d'un délai de 2 ans à compter de la prise de possession du bien. Il peut demander au vendeur de procéder gratuitement à la réparation ou au remplacement du produit. S'il n'obtient pas satisfaction, il peut alors exiger un remboursement intégral et rendre le produit, ou, s'il décide de le garder, obtenir une réduction du prix de vente. Quant aux vices cachés, il s'agit de tout défaut non visible au moment de l'achat mais qui apparaît ensuite. Contrairement à la garantie de conformité, trois conditions sont nécessaires pour que l'acheteur puisse faire jouer la garantie des vices cachés. D'une part, le défaut ne doit pas être apparent lors de l'achat. D'autre part, il doit rendre le bien impropre à l'usage auquel on le destine. Enfin, il doit exister au moment de l'achat. L'action doit être exercée dans un délai de 2 ans qui court, cette fois, à compter de la découverte du défaut. Sachant que l'acheteur a le choix entre deux solutions : garder le produit et demander un remboursement partiel du prix ou rendre le produit et obtenir un remboursement total.

De nouvelles informations obligatoires

Depuis le 1er mars 2015, les vendeurs doivent inscrire dans leurs conditions générales de vente des informations portant sur les garanties légales dont bénéficient les consommateurs. Ainsi, les CGV doivent-elles désormais comporter les nom et adresse du vendeur garant de la conformité des biens ainsi que la mention selon laquelle « le vendeur est tenu des défauts de conformité des biens dans les conditions des articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation et des défauts cachés du bien dans les conditions prévues aux articles 1641 et suivants du Code civil ».

En outre, doit être inséré dans les CGV un encadré indiquant que lorsqu'il agit en garantie légale de conformité, le consommateur :

- bénéficie d'un délai de 2 ans à compter de la délivrance du bien pour agir ;
- peut choisir entre la réparation ou le remplacement du bien ;
- est dispensé de rapporter la preuve de l'existence du défaut de conformité du bien durant les 6 mois suivant sa délivrance. Un délai qui, pour les biens achetés neufs, sera porté à 24 mois à compter du 18 mars 2016.

Cet encadré doit également rappeler que la garantie légale de conformité s'applique indépendamment de la garantie commerciale que le vendeur a éventuellement consentie au consommateur. Et aussi que ce dernier peut décider de mettre en oeuvre la garantie contre les défauts cachés du bien vendu et que dans cette hypothèse, il peut choisir entre la résolution de la vente ou une réduction du prix. Un véritable roman !

Les Echos, 3/09/2015

Cuisines : Nobilia met la main sur un distributeur français

Le géant allemand de la cuisine reprend le réseau de franchisés FBD. Ce rachat conforte la consolidation du secteur de l'ameublement.

La consolidation est en marche dans l'ameublement, avec un nouveau rapprochement entre fabricants et distributeurs. Après le rachat par le groupe Fournier (Mobalpa) des magasins Hygena et la reprise par Steinhoff, le propriétaire de Conforama d'un site de production de cuisines, c'est au tour de Nobilia de se lancer. Le premier fabricant de cuisines en Europe, vendues sous marque de distributeur, vient de reprendre la quasi-totalité du capital de FBD, un réseau de franchises, connu pour ses enseignes, Ixina, Cuisine Plus et Cuisines Références. L'entreprise a enregistré une forte accélération depuis 2005, via une stratégie de croissance externe. Son chiffre d'affaires devrait atteindre 500 millions d'euros cette année (+15 % au premier semestre), avec 361 points de vente, dont un tiers à l'étranger. « Nous comptons parmi les 5 principaux distributeurs de cuisines en France », se réjouit Jean-Pierre Pont, son PDG, derrière Ikea, Schmidt, Mobalpa, et au coude-à-coude avec Conforama, avec des prix moyens entre 5.000 à 8.000 euros. Un parcours que Nobilia connaît bien. Le géant allemand, dont le chiffre d'affaires va franchir le milliard d'euros, était actionnaire depuis 2009 de FBD, à hauteur de 30 %. Il rachète le solde à l'italien Snaidero, qui préfère se concentrer sur ses marques (Arthur Bonnet, Rational...). Le montant de l'opération reste confidentiel.
Les pays émergents de plus en plus demandeurs

Pour Nobilia, dont la production s'élève à 600.000 cuisines par an, dans ses deux usines près de Hanovre, cette acquisition va permettre « de stabiliser notre activité dans la distribution en France, notre premier marché à l'export », indique Günter Scheipermeier, le président du directoire. Et ce, à un moment, où de grandes enseignes comme Conforama ou But sont à la peine, sur un marché qui reste fragile. Le fabricant allemand, qui réalise 38 % de son activité à l'export, va, avec FBD, trouver de nouveaux débouchés. « Cette course à la taille est nécessaire pour devenir un acteur mondial, insiste Jean-Pierre Pont.Avec la hausse des surfaces commerciales, il faut développer l'outil industriel pour fournir en produits les magasins dans le monde. » Sur les 50 points de vente ouverts en moyenne chaque année, FBD en inaugure la moitié à l'étranger, dont récemment à Cotonou et à Oran. Car les pays émergents sont de plus en plus demandeurs. Le réseau veut passer de 20 à 50 pays d'ici à cinq ans et doubler ainsi son chiffre d'affaires. Le nouvel actionnaire s'est engagé à ce jour à ce que le groupe conserve ses 5 autres fournisseurs européens, en plus de Nobilia, dont les modèles de cuisine sont différents.

Les Echos, 3/09/2015

mercredi 2 septembre 2015

La Mère Poulard veut développer ses restaurants à l'international

Le groupe du Mont-Saint-Michel prévoit une trentaine d'ouvertures d'ici à 2016. Il profitera de la fin des travaux du pont-passerelle qui sera inauguré à l'automne.


L'omelette, selon la recette de La Mère Poulard cuite au feu de bois, est un plat incontournable du Mont-Saint-Michel. Elle veut désormais s'imposer à l'international. Le restaurant qui porte son nom, à l'entrée du site classé au Patrimoine mondial de l'humanité et qui la propose à sa carte, est devenu une table obligée pour bon nombre de visiteurs français, mais aussi étrangers, et notamment asiatiques. Depuis 1888, les célébrités du monde entier y font étape. Outre ses biscuits estampillés « La Mère Poulard », produits à Saint-Etienne-en-Coglès (Ille-et-Vilaine) et exportés dans plus de 70 pays, la marque développe les franchises de ses restaurants depuis 2011. Aujourd'hui, La Mère Poulard est un groupe présent à l'international, spécialisé dans le tourisme, l'hôtellerie, la restauration et l'agroalimentaire. A sa tête depuis 1986, Eric Vannier veut aujourd'hui accentuer sa présence à l'étranger à travers l'ouverture de nouveaux restaurants à l'enseigne de la célèbre cuisinière.



Le groupe compte déjà une dizaine d'établissements à l'étranger (notamment 4 au Japon, dont les ressortissants sont très nombreux à visiter le Mont-Saint-Michel) et souhaite fortement y accélérer ses ouvertures. Déjà, en 2015, deux en Corée du Sud et deux au Japon ont été officialisées. « Dans les douze mois à venir, 35 restaurants sont ainsi programmés, avec une montée en puissance sur la Corée, la Chine, le Japon et les pays du Golfe », souligne Eric Vannier, le PDG du groupe.
Vedette d'une série télé

En Corée, La Mère Poulard devrait même acquérir une notoriété supplémentaire avec le tournage d'une série télé diffusée dans toute l'Asie. Le sujet en sera la cuisinière et aura pour lieu de tournage le Mont-Saint-Michel et les restaurants à son effigie en Asie.

Le groupe compte accélérer la promotion et le développement de ses biscuits dans la grande distribution. Dès 2016, une nouvelle gamme sera même lancée en France et à l'étranger (Europe, Asie, USA et Moyen-Orient).

Avec ses hôtels et restaurants, sur le site même du Mont-Saint-Michel ou à proximité, la demande touristique pour la destination devrait profiter, en octobre prochain, de la fin des travaux du rétablissement du caractère maritime du Mont. Le site accueillera aussi en juillet 2016, le départ du Tour de France. « Nous préparons par ailleurs les festivités du 130e anniversaire de la création de l'auberge », ajoute Eric Vannier.

Les Echos; 01/09/15

Inde : la pression s'accentue sur Narendra Modi

Les résultats économiques ne sont pas à la hauteur des attentes. Le PIB au deuxième trimestre affiche + 7 %.

Les espoirs dont était porteur Narendra Modi lors de son accession au pouvoir il y a quinze mois s'estompent peu à peu. Le Premier ministre n'arrive pas à traduire dans les chiffres sa promesse d'une accélération de la croissance permettant la création de millions d'emplois dans l'industrie manufacturière. Et ce, malgré la modification apportée dans le calcul du PIB qui mécaniquement le réhausse de 1,5 point.

Avec + 7 % de croissance au deuxième trimestre, après + 7,5 % de janvier à mars, les chiffres publiés lundi par le bureau des statistiques traduisent un léger ralentissement de l'économie. Et déçoivent les analystes qui tablaient sur une performance presque équivalente d'un trimestre sur l'autre. « Les résultats publiés ne sont pas cohérents avec un certain nombre d'indicateurs », estime Shilan Shah, économiste de Capital Economics. « Un tel résultat montre qu'il n'y a pas d'accélération dans les secteurs clefs de l'économie », avance pour sa part Madan Sabnavis, économiste de Care Ratings, regrettant que « la hausse des dépenses publiques qui devait donner un coup d'accélérateur ne se retrouve pas dans les chiffres ».
Devant la Chine

L'Inde peut toujours se targuer d'être devant la Chine en termes de croissance. La troisième économie asiatique devrait en effet voir son PIB accélérer de 7,5 % cette année alors que la Chine devrait se contenter de 6,8 % selon le FMI. New Delhi devrait faire également mieux que les pays émergents (+ 4,2 %) ou bien sûr que les pays développés (+ 3,3 %). Mais les risques d'essoufflement sont réels si les réformes tardent à venir.

Les entreprises continuent de dénoncer des obstacles à leur croissance et l'entourage du Premier ministre aimerait voir la banque centrale accélérer le rythme des baisses de taux. Lors de sa réunion d'août, l'institut d'émission a refusé de bouger son taux de base toujours fixé à 7,25 %. Surtout, les réformes-clefs que Narendra Modi voulait faire adopter lors de la session d'été du Parlement ont été à nouveau recalées. Cette session « a été plutôt non productive », estime Pranjul Bhandari, économiste de HSBC Securities. Ainsi, le Premier ministre vient de faire marche arrière sur la réforme agraire sous la pression des lobbies agricoles. A l'origine de la grogne du monde paysan, celui-ci voulait faciliter les acquisitions de terres à des fins d'investissements. Gêné par des affaires de corruption qui le bloquent au Parlement, Narendra Modi voit à présent la pression s'accentuer sur lui, la population lui reprochant de plus en plus son immobilisme.

Cette situation intervient alors que de violentes manifestations viennent de se dérouler dans le Gujarat, l'Etat dont il est issu. Ces violences qui ont fait 9 morts et de nombreux dégâts sonnent comme un autre avertissement pour le pouvoir. Même si les causes sont différentes.

Les Echos, 1/09/2015

Travail : le code passé de mode ?

DÉCRYPTAGE

Accusée par le patronat et le gouvernement de peser sur l’emploi, la législation française, certes complexe, n’est pas la plus rigide de l’UE. 

Le code du travail a été créé au début du XXe siècle pour protéger les salariés.
Un code du travail «si complexe» qu’il en est devenu «inefficace», des salariés qui «ne connaissent plus leurs droits» et ne «sont donc plus protégés», quand ils ne sont pas «livrés à eux-mêmes» : Manuel Valls a sonné la charge, dimanche, à l’université d’été du PS, contre le droit du travail, objet de la prochaine grande réforme sociale du gouvernement (lireLibération de vendredi). Entre les lignes, pourtant, c’est moins le souci de mieux protéger les salariés qui semble animer l’exécutif que celui d’assouplir une législation perçue comme un obstacle au développement de l’emploi. Le code du travail, responsable du chômage ?

«L’objectif, en 1919, lors de la création de l’Organisation internationale du travail [OIT], était de construire un droit du travail mondial afin d’assurer la paix», rappelle Emmanuel Dockes, professeur de droit à l’université Paris-X. Avec l’idée que les inégalités sociales sont sources de conflits nationaux susceptibles de dégénérer en conflits entre nations, voire en révolution (notamment en Russie en 1917). «Il fut même question, à un moment donné, d’inscrire la journée de huit heures dans le traité de Versailles», rappelle Dockes. Le patronat a alors dû accepter des «règles de protection» mais aussi de «bienséance», afin«d’assurer des conditions d’existence décentes pour les salariés». Or «le débat aujourd’hui sur le code du travail s’ouvre dans un contexte à nouveau violent, avec une montée des extrêmes plutôt inquiétante, prévient Dockes. Il faut faire attention de ne pas jouer avec le feu.» D’autant que la mission d’origine du droit du travail a depuis été oubliée au profit d’un rôle qui n’a jamais été le sien : développer l’emploi.

«Depuis trente ans, nos gouvernants sont convaincus que [le droit du travail] est responsable du chômage et que, pour arriver à modifier la situation, il faut changer la loi, explique Antoine Lyon-Caen, auteur du livre le Travail et la Loi avec Robert Badinter. On la surcharge de missions économiques et sociales. Et, bien sûr, à chaque fois, c’est un échec. D’où une perte de valeur symbolique de signification [du droit du travail].»

Un droit du travail qui freine le développement de l’emploi, c’est précisément la position du patronat et, désormais, du gouvernement. «Dans les grandes entreprises, ce n’est pas le cas, assure Jean Néret, professeur en droit à Paris-XII Créteil et avocat en faveur de la partie patronale. Mais pour les PME, si, c’est même accablant. Les prud’hommes, notamment, sont devenus une loterie, qui font vivre les petits patrons sous la menace permanente d’une condamnation. Et certains jugements ont conduit des petites entreprises à déposer le bilan. Il faut faire en sorte que le droit du travail ne soit plus un épouvantail pour eux, car c’est assez paralysant, et ça peut avoir, au final, un effet négatif sur l’emploi.» Un phénomène marginal, selon Dockes. «Ceux qui n’embauchent pas laissent le marché à ceux qui ont le courage de se développer», estime celui qui réfute tout lien entre droit du travail et chômage.

Selon l’ODCE, en effet, le lien entre législation et emploi est loin d’être évident. Et reflète surtout un choix de société. Forte d’un taux de 5 % de chômage, l’Allemagne est ainsi, et contrairement aux idées reçues, l’un des pays de l’UE qui protège le mieux ses salariés permanents. Avec, dans cette catégorie, un indice de protection (défini par l’OCDE) de 2,98 - l’un des plus élevés -, contre 2,82 pour la France (10 % de chômeurs) ou 2,28 pour l’Espagne (23 % de chômage). En revanche, l’Allemagne a un indice de protection très bas (1,75) pour les travailleurs temporaires tandis que la France affiche un indice de 3,75. Faut-il néanmoins baisser le niveau de protection des salariés ? «Attention, cela fait déjà trente ans que le code est revu régulièrement à la baisse pour les salariés, prévient Dockes. On a même atteint des points tellement bas dans certains secteurs comme la flexibilité du temps de travail ou les CDD qu’on est désormais régulièrement condamnés par les juridictions européennes. Et, pourtant, les critères sont loin d’être élevés…»

Peu néfaste pour l’emploi, mais néanmoins complexe : c’est la thèse défendue par Lyon-Caen et Badinter qui évoquent un texte perçu comme «une forêt trop obscure et hostile pour qu’on s’y aventure». Premières victimes de ce droit «atteint d’obésité» : les salariés et les petits entrepreneurs qui «peinent à en avoir l’intelligence et la compréhension». Le droit du travail devient alors une affaire de praticiens, estiment les adeptes de sa nécessaire simplification. D’où la proposition des deux auteurs de lui rendre «clarté et crédibilité» en le réduisant à 50 grands principes de base.

Les détracteurs du livre dénoncent, eux, un glissement dangereux : du simple élagage, jugé tout juste utile par certains, l’ouvrage flirte avec une remise en cause plus radicale des droits effectifs des salariés. «Certes des allégements s’imposent»,reconnaît Jacques Le Goff, professeur émérite de droit. Notamment avec le volet sur la durée du travail, qui regrouperait pas moins de 200 articles. Ou encore la question du temps partiel. Mais la proposition de Badinter et Lyon-Caen, jugée trop radicale, risque d’aboutir à «un droit du travail totalement ramolli». Et, au final, plus compliqué, puisqu’elle renforcerait la jurisprudence. D’autant que cette complexité est due au patronat, qui n’a cessé d’exiger «des exceptions à la règle, dans le but de la vider d’une partie de sa substance», selon Emmanuel Dockes. Même s’il faut nuancer sa complexité : «Le droit fiscal, le droit commercial ou celui de l’immobilier le sont tout autant. Ce n’est pas spécifique au droit du travail.» Que faire alors ?«Inventer un nouveau droit, délesté de ses multiples dérogations.» Car l’actuel ne pourra pas, selon lui, être simplifié à droit constant.

C’est la nouvelle marotte du Premier ministre, qui l’a remise sur la table dimanche : «Nous devons donner plus de latitude aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants pour décider eux-mêmes de leur politique de formation, d’organisation du travail […] par des négociations au plus près de leurs besoins.» Ces orientations devraient être reprises par le rapport Combrexelle, remis dans les prochains jours, chargé de proposer des pistes d’«élargissement de la place de l’accord collectif dans notre droit du travail». Le but : donner davantage de «souplesse» aux entreprises et garantir des droits «plus assurés»grâce à un «dialogue social redynamisé», selon Valls. Un jeu à sommes égales, selon Jean Néret : «Il faut trouver des concessions réciproques. Mais chaque fois qu’il y a accord, je constate que cela ne met pas en péril les salariés.» Pas si sûr, selon Le Goff, pour qui la proposition, «séduisante en théorie, peut s’avérer calamiteuse en pratique». Le risque : un éclatement du droit. «Cela voudrait dire que dans chaque entreprise, un inspecteur du travail devrait demander quel droit s’y applique.»

Le patronat, de son côté, pourrait en sortir comme le grand gagnant. «Il a tout intérêt à ce que la norme soit fixée au plus près de sa zone de puissance, c’est-à-dire l’entreprise, là où la menace sur l’emploi est directe, ajoute Emmanuel Dockes. Or la logique, poussée jusqu’au bout de ce discours sur le particularisme, c’est de parvenir, in fine, à négocier au niveau du contrat de travail lui-même. Avec un déséquilibre encore plus important en défaveur du salarié.»

Pour que les accords d’entreprise soit profitables aux employés, un rapport de force équilibré est donc nécessaire, notamment au sein des PME. «Sauf qu’il n’existe pas, s’inquiète Le Goff. C’est pourquoi une articulation entre accord de branche et d’entreprise est nécessaire. Rappelons que, dans le privé, 5 % des salariés sont syndiqués, et que la France compte 85 % de TPE.» Sans oublier les nouvelles catégories de travailleurs - autoentrepreneurs, indépendants, salariés en portage ou avec une activité intermittente -, plus précaires, qu’il va falloir protéger sans pour autant tirer vers le bas le niveau de protection des salariés «classiques». C’est même le grand défi du droit du travail de demain : s’adapter aux nouvelles modalités du travail, celles issues notamment de l’économie numérique - ubérisée.

Libération, le 1/09/15