samedi 12 septembre 2015

Bientôt la fin du calvaire des poussins mâles ?

Broyés vivants, gazés, étouffés dans des sacs poubelles, les poussins mâles de race «pondeuse» sont traités comme des déchets. Désormais appuyée par 42 parlementaires, l'association L214 fait campagne pour des alternatives à ces pratiques. Elle sera reçue jeudi au ministère de l'Agriculture.

Bientôt la fin du calvaire des poussins mâles ?

Un sexeur examine des poussins, le 16 juillet 2010 à Willgotheim

Quand on est un poussin mâle et qu’on a eu la malchance de ne pas naître dans la ferme de grand-maman mais dans un couvoir industriel, on est illico envoyé ad patres. Broyé vivant, gazé, étouffé dans un sac poubelle ou abandonné dans une benne à ordures. Bref, on est considéré comme un déchet, puisqu’en tant que mâle, jusqu’à nouvel ordre, on ne peut pas pondre des oeufs.

La charmante pratique concerne environ 50 millions de piou-pious du type «poule pondeuse», selon l’association de défense des animaux L214. Laquelle a lancé en novembre dernier une pétitionpour mettre un terme à leur calvaire, appuyée par une fort sympathique vidéo filmée en caméra cachée par un employé d’une entreprise bretonne. Hébergée par Change.org, son nombre de signataires a fait un joli bond ces dernières semaines, recueillant près de 119 000 soutiens.

Depuis mi-juin, 42 députés et sénateurs de tous bords politiques ont interpellé le ministre de l’Agriculture via des questions écrites, recensées sur le site de l’association. «Par rapport au nombre total de parlementaires, c’est relativement peu, mais c’est la première fois qu’il y en a autant qui posent des questions écrites sur ce sujet. On a même le soutien de Patrick Balkany, c’est assez cocasse», note Brigitte Gothière, porte-parole de L214. Sincère émotion ou pur opportunisme, cela semble porter ses fruits.
Certaines pratiques autorisées

L’association, explique-t-elle à Libération, sera reçue jeudi matin au ministère de l’Agriculture par des responsables de la santé et de la protection animale. «On avait écrit au ministre, qui ne nous a pas répondu. Mais on avait aussi envoyé une copie du courrier à ces responsables», ajoute la porte-parole. L214 demandera à ce que soient examinées les alternatives à la mise à mort des poussins au moyen de ces pratiques «barbares». Pour pouvoir les interdire «le plus rapidement possible».

Car sachez-le, contrairement à l’asphyxie dans des sacs poubelles, le broyage mécanique et le gazage sont autorisés. D’un côté, vous brisez le cou des petites boules de duvet et les réduisez en morceaux, de l’autre, cela s’apparenterait à «une sorte de noyade».

«Alors qu’il existe d’autres méthodes», explique Brigitte Gothière. Comme celle consistant à scanner les oeufs au troisième jour d’incubation et les trier à ce stade en fonction de leur sexe : au lieu de détruire des poussins, vous détruisez des oeufs. En Allemagne, ce système est à l’essai dans des laboratoires et «sera déployé en 2016 sur certains couvoirs pour, peut-être, être généralisé en 2017», ajoute la porte-parole. «Et en Suisse, certains cherchent à privilégier les souches mixtes, c’est-à-dire des animaux qui peuvent être utilisés à la fois pour l’industrie de l’oeuf et celle de la viande. Même si on peut se demander s’il vaut mieux finir broyé à la naissance ou en poulet rôti, cela peut être une des réponses au système actuel, qui a poussé la génétique à outrance pour ne produire que des poules pondeuses avec des mâles incapables de fournir assez de chair pour être assez rentables».

Les choses avancent. Aux questions des parlementaires, le gouvernement a répondu ceci, le 18 août : «[…] A l’instar d’autres pays européens, la filière avicole française ainsi que le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (MAAF) restent soucieux de faire évoluer les pratiques. Les professionnels travaillent actuellement à l’élaboration d’outils permettant de réaliser un sexage avant l’éclosion. D’autres hypothèses de travail sont aussi en cours d’analyse, telles que le sexage avant incubation. […]»
D'autres animaux concernés

Au-delà de la question des poussins mâles de type «poules pondeuses», L214 entend «mettre en lumière la façon dont notre société considère les animaux». «Ils sont sélectionnés de façon hyper pointue pour remplir des objectifs de rentabilité maximale. On en tue un milliard par an en France en abattoirs, ce qui ne ne compte pas les animaux morts en élevage -avec des mortalités allant jusqu’à 25% pour certaines filières-, les animaux éliminés en couvoir etc, qui ne sont pas consommables», déplore Brigitte Gothière. Qui cite, entre autres, le cas des canetons dans la production de foie gras où on ne garde que les mâles ; celui de la filière poulets de chair où l’on abat chaque année 800 millions de poulets après en avoir éliminé «environ 10 %» parmi les plus faibles ; des «porcelets tapés contre un mur ou achevés à coups de barres de fer» ou encore des lapereaux qui «agonisent dans les poubelles». Pour la porte-parole de L214, «résoudre la question du broyage des poussins, ce serait bien, mais ce ne serait qu’un petit bout de sparadrap sur un système qui va mal. Une toute petite goutte d’eau par rapport à ce qu’il faut faire». 

Libération, le 25 août 2015

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