mardi 15 septembre 2015

Au Brésil, la fin du mirage automobile

Chaque matin, Francisco Tavares sortait son petit bolide du garage pour se rendre au travail. Un parcours triomphal d'une vingtaine de minutes en bord de mer, au volant de sa RCZ, pour rejoindre sa concession Peugeot de Santos, à 70 kilomètres de São Paulo. Au volant du coupé sport de la marque française, il ne passait pas inaperçu. Question de prestige… Mais la vie bien réglée de « M'sieur Chico », comme l'appellent ses clients, a récemment pris une autre tournure. Tout d'abord, le ralentissement du secteur l'a conduit à déménager vers des locaux plus modestes. Puis le gigantesque scandale de corruption qui ébranle le pays depuis un an a commencé à produire des effets dévastateurs sur l'ensemble de l'économie, entamant la confiance des consommateurs. Pas d'autre issue possible : Francisco Tavares a dû mettre la clef sous la porte.

Les grands noms du secteur automobile ont misé gros au Brésil durant les années fastes. Ils sont aujourd'hui rattrapés par la crise et voient leurs ventes s'effriter. Pourtant, à l'instar de PSA ou de Renault-Nissan , la plupart continuent de croire au potentiel de cet énorme marché et n'envisagent pas d'y réduire la voilure.

Cette mésaventure est loin d'être un cas isolé au Brésil. Après une chute vertigineuse des ventes sur le marché intérieur depuis deux ans, c'est l'hécatombe du côté des revendeurs, avec la fermeture de quelque 700 concessionnaires depuis le début de l'année. Dix-sept mille emplois ont déjà été supprimés, selon la Fédération nationale des distributeurs automobiles (Fenabrave). Le symptôme d'une crise profonde, affectant en fait l'ensemble du secteur automobile local. Les constructeurs se mettent en quatre pour ajuster l'offre à la demande et contrôler les coûts, sur fond de récession et d'inflation élevée. En un an, l'industrie a perdu 10 % de ses effectifs, et 27.000 salariés ont été mis en chômage technique. Dans un contexte de crise généralisée, qui a vu le marché dégringoler de près de 20 % cette année, après un recul de 7 % en 2014, la filière automobile traverse une bien mauvaise passe. D'autant que les exportations sont loin de compenser l'effondrement du marché intérieur…

Une crise plus sévère que prévu

Renault-Nissan et PSA n'échappent pas à la règle. Depuis le début de l'année, les ventes de Peugeot et de Citroën ont plongé de plus de 40 % en moyenne ; celles de Renault accusent un repli de près de 18 % sur les huit premiers mois de l'année et de 25 % pour les véhicules commerciaux légers. Seul Nissan est parvenu à stabiliser ses ventes tant bien que mal. Sur le marché brésilien, la marque japonaise dépasse désormais PSA… François Dossa, le patron de sa filiale locale, évite le triomphalisme :« Nous allons le mieux possible dans un pays qui ne va pas très bien. Le marché est très déprimé. C'est mauvais pour tout le monde », observe-t-il. Avec une part de marché de 7 % sur les véhicules légers, Renault, lui, est désormais devancé par le coréen Hyundai, à la sixième place du classement des constructeurs.

Les déboires des groupes automobiles sont, au choix, le fruit d'un mauvais timing ou d'une erreur d'appréciation. Lancée en période de forte croissance, la dernière grande vague d'investissements produit ses effets au plus mauvais moment : les nouveaux modèles made in Brazil arrivent sur le marché en pleine crise, qui n'est plus en mesure de les absorber. Aujourd'hui, le pays se retrouve avec une capacité de production de 4,6 millions de véhicules, alors que l'industrie ne prévoit d'assembler guère plus que 2,5 millions de modèles cette année (toutes catégories confondues). « On tablait sur un marché de 4 millions de véhicules en 2015 au Brésil, qui était en passe de devenir le troisième plus grand marché mondial », confiait cet été Carlos Gomes, le patron de PSA en Amérique latine, en marge du salon de Buenos Aires. « On parle maintenant de 2,6 millions. C'est comme si 1,4 million de véhicules s'étaient évaporés. »

Dans la profession, le pessimisme est de mise. Car la crise économique dans laquelle se débat le Brésil depuis des mois est beaucoup plus sévère que prévu. Et cela, personne ne semblait s'y attendre du côté des constructeurs. Alors que l'association qui représente leurs intérêts misait sur une stabilité des ventes au début de l'année, elle prévoit désormais un recul de 20 %.« Je n'arrive pas à entrevoir une reprise du marché », reconnaissait récemment son président, Luiz Moan Yabiku Junior.

Durant les années fastes portées par la hausse des matières premières et par la croissance de la demande, l'industrie automobile a profité à plein de l'explosion du crédit et de l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages. Des dizaines de millions de Brésiliens ont alors gonflé les rangs d'une nouvelle classe moyenne émergente. « Avec une idée en tête : acheter une voiture », explique un expert local. Mais ce modèle de croissance basé sur la consommation a fini par montrer ses limites. Dilma Rousseff a été réélue à la présidence en octobre dernier en promettant la continuité, mais elle a finalement dû faire le choix de la rigueur pour tenter de corriger des déséquilibres qui menacent toujours le Brésil. Lors de la fête nationale du 7 septembre, elle évoquait ainsi une cure d'austérité et des « remèdes amers ».

Coûts de production élevés

Pourtant, certains croient encore à l'eldorado brésilien. Car, en dépit des difficultés actuelles, le marché conserve un énorme potentiel. « Aucun constructeur n'a réduit ses investissements d'un centime », soutient Luiz Moan. La filiale de General Motors, dont il est l'un des directeurs, va même doubler les investissements prévus à l'horizon 2019 (environ 3 milliards d'euros sur cinq ans). Fiat Chrysler Automobiles vient aussi d'inaugurer une usine Jeep au milieu des champs de canne à sucre, dans le Nordeste. Audi, BMW et Land Rover ont à leur tour planté leurs drapeaux au Brésil. « Les constructeurs français viennent également de lancer de nouveaux modèles et d'augmenter leur capacité de production », précise Luiz Moan.

Depuis l'an dernier, Renault est ainsi en mesure de fabriquer une voiture à la minute dans son usine de Curitiba. Avec environ un 1 véhicule pour 5 habitants, « le Brésil demeure sous-équipé en automobiles », souligne-t-on au siège de Boulogne-Billancourt. Il y a vingt ans, ce ratio stagnait autour de 1 pour 9. En dépit des crises successives, le Brésil progresse donc. Lorsqu'il avait le vent dans le dos, le géant émergent est brièvement devenu le quatrième plus grand marché mondial (devant la France), il y a quelques années, avant de rétrograder à la septième place. Mais, à terme, les experts du secteur automobile prédisent que le Brésil pourrait bien retrouver cette position, derrière la Chine, les Etats-Unis et l'Inde. « Il faut avoir les reins solides », admet-on chez Renault, qui a essuyé sur place des pertes de 270 millions de reais (environ 60 millions d'euros) l'an dernier. Quant à la filiale de PSA, elle est dans le rouge depuis trois ans. « Il faut comprendre que nous cherchons à améliorer la rentabilité. Nous sommes déjà en train d'y parvenir en Amérique latine en 2015, même dans un contexte économique extrêmement difficile. Notre objectif est d'atteindre le point mort dans la région dans son ensemble d'ici à 2017 », explique Gustavo Soloaga, directeur financier de PSA en Amérique latine.

Au-delà des cycles de forte expansion et de récession, les déboires actuels des constructeurs montrent que le Brésil n'a pas encore su traiter, à l'inverse du Mexique, les problèmes de fond qui plombent sa compétitivité. Le carnet de doléances est bien rempli, mais peu de progrès ont été accomplis au cours des dernières années pour alléger et simplifier la fiscalité, réduire le coût de la main-d'oeuvre (les syndicats des métallos sont les mieux organisés du pays, depuis l'émergence d'un certain Lula…), la lourdeur du Code du travail, sans parler des problèmes de logistique. Un industriel français confiait récemment que les coûts de production étaient de 25 % plus élevés au Brésil qu'aux Etats-Unis. « Il y a eu une évolution en ce domaine, mais pas une révolution », déplore François Dossa.

Le secteur a également du mal à sortir du protectionnisme qui a permis à l'industrie automobile de se développer au Brésil depuis les années cinquante. La priorité n'a jamais été accordée à l'exportation, notamment à cause du manque de compétitivité. « Au cours des dix dernières années, le Brésil s'est davantage concentré sur la croissance du marché intérieur que sur l'intégration dans le marché mondial », constate la consultante Leticia Costa, directrice du cabinet Prada.

L'an dernier, le pays a exporté 550.000 véhicules légers, soit seulement 15 % de sa production. Mais dans un Brésil en crise, c'est aujourd'hui le marché intérieur qui est en panne. Alors, il faut innover pour attirer le client. Citroën, qui a fait le pari osé de vendre des modèles haut de gamme ou relativement sophistiqués dans un pays à revenus intermédiaires, va même jusqu'à proposer deux billets aller-retour pour New York à chaque acquéreur d'un modèle de la marque…

Les points à retenir
- Dans  :un contexte de crise généralisée, les ventes de véhicules ont dégringolé de près de 20 % depuis le début de l'année au Brésil.
- Un trou d'air qui touche les industriels du secteur, qui ont perdu 10 % de leurs effectifs, comme les concessionnaires, contraints de fermer 700 points de vente ces huit derniers mois.
- De PSA à Renault en passant par Fiat-Chrysler ou GM, les grands constructeurs auto ont lourdement investi au Brésil, qui était en passe de devenir le troisième marché mondial avant la crise.Tous veulent croire qu'il s'agit seulement d'une mauvaise passe, et continuent de miser sur le pays.

Les Echos, 14/09/2015

1 commentaire:

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