samedi 13 décembre 2014

L'Europe passe aux SES

L'enseignement des sciences économiques et sociales se développe en Europe. Notamment depuis la crise.

L'enseignement des sciences économiques et sociales (SES) dispensé depuis 1967 dans l'actuelle filière ES des lycées - qui associe économie, sociologie et science politique - est souvent considéré comme une exception française. Un petit tour d'Europe montre cependant que de nombreux pays proposent également des enseignements qui associent l'économie à d'autres sciences sociales, avec pour premier objectif la formation du citoyen. En parallèle avec d'autres disciplines à visée plus professionnalisante. Une tendance que la crise a renforcée.

L'économie n'est aujourd'hui jamais enseignée comme discipline autonome dans le premier cycle de l'enseignement secondaire. Ce qui n'empêche pas d'autres disciplines d'y faire allusion : histoire, géographie, instruction civique, questions politiques, etc. Dans le second cycle, l'enseignement de l'économie a le plus souvent été introduit d'abord dans des cursus professionnels. Il est alors couplé le plus souvent avec celui de la gestion, du droit et d'autres enseignements connexes (comptabilité, marketing, entrepreneuriat…), comme c'est le cas dans les filières "Economie et gestion" en France.

Dans l'enseignement général, l'économie est enseignée dans des filières spécifiques, où elle occupe couramment une place importante, dans l'Hexagone mais aussi en Espagne, en Belgique, en Suède et en Italie depuis 2010 (voir "Entretien"). Elle existe aussi sous forme optionnelle dans les pays où chaque élève construit plus ou moins son cursus (A-level au Royaume-Uni, certains Länder en Allemagne, les pays scandinaves). Mais dans les deux cas, ces enseignements associent généralement l'économie à d'autres disciplines (sciences sociales, droit, gestion) et les programmes sont pensés pour permettre l'acquisition de savoirs propices à l'exercice de la citoyenneté. Le Royaume-Uni fait exception : l'enseignement de l'économie dans le secondaire y réplique les contenus abordés à l'université, mais ne concerne qu'environ 3 % des élèves.

L'Italie adopte à son tour les SES

Entretien avec Doris Valente, professeure d'économie, responsable de l'Association of European Economists Education, Italie 

Propos recueillis par Rémi Jeannin


Qu'est-ce qui a motivé la création d'une série économique et sociale au lycée, en Italie, depuis la rentrée 2010 ?

Donner plus de place à la culture économique et sociale était une demande à la fois d'experts du monde de l'éducation, des associations de professeurs d'économie, d'entrepreneurs et de certains médias. Stefano Zamagni, notamment [1], estimait souhaitable de dépasser, au niveau du lycée, le dualisme entre culture scientifique et culture humaniste, en proposant une culture économique associée au droit, aux sciences sociales, à l'histoire, à la philosophie et aux mathématiques.

Quel premier bilan peut-on en tirer ?

Ce nouvel enseignement a permis de faire entrer le monde contemporain dans les classes tout en dotant les lycéens des outils nécessaires pour commencer à le "lire". Les jeunes Italiens ont aujourd'hui la possibilité de se former aux sciences économiques et sociales, un savoir indispensable dans nos sociétés mondialisées qui vivent des transformations rapides. De quoi devenir des citoyens éclairés et actifs.

En savoir plus :

[1] Président de la Società degli Economisti et professeur d'économie à l'Université de Bologne.

La crise comme booster

Depuis la crise de 2008, ces enseignements ont le vent en poupe. Une série économique et sociale a ainsi été créée en 2010 en Italie. Parallèlement, le nombre d'élèves choisissant l'économie a progressé au Royaume-Uni. En Grèce, l'économie est désormais enseignée aux côtés de la sociologie et du droit dans un enseignement d'"Education civique" obligatoire les deux premières années du lycée, avec un horaire renforcé. C'est dans ce contexte que l'OCDE et le G20 recommandent aussi de développer les compétences des élèves en finance personnelle. On peut cependant penser, avec les membres de l'Association of European Economics Education, que la priorité serait plutôt de donner aux élèves des clés pour comprendre le monde qui les entoure [1].

Rémi Jeannin
Alternatives Economiques n° 339 - octobre 2014

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